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Lectures SF- Critiques 13 28/07/08 |
J'aimerais dire quelques mots ici du roman de David Mitchell Cartographie des Nuages1. Moins pour ajouter à l'accueil critique très favorable qu'il a reçu au moment de sa sortie en Angleterre2 ou de sa traduction en France3 que pour deux autres raisons : la première est qu'il s'y trouve, au moins en partie, de la science-fiction (et de la bonne) ; la seconde est que plus généralement, ce livre peut nous parler des genres, et ce d'une manière originale.
L'habituelle quatrième de couverture : |
![]() ©Ed. de l'Olivier, 2007 |
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Mais pour ceux et celles qui ne l'auraient pas lu, quelques mots de présentation. |
Comme je l'ai dit, cette dernière histoire est racontée d'un seul jet, après quoi reprennent successivement la 5, puis la 4, la 3, etc. |
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"L'oraison de Somni~451" se situe en Corée, dans un futur dystopique où des séries de clones génétiquement spécialisés et drogués en permanence sont affectés à diverses tâches d'intérêt collectif au service des "sang-purs" et étroitement limités à ces tâches. Somni~451 (allusion à Bradbury ?) est "factaire" dans un restaurant où elle travaille comme serveuse. Elle sait qu'un jour on ajoutera une douzième étoile à son collier et qu'elle pourra alors rejoindre l'Arche pour être enfin pourvue d'une "Âme". Mais à la suite d'une série de circonstances heureuses, elle a acquis une caractéristique unique : ayant été soumise à un catalyseur d'élévation, elle est la première "élevante" stable qu'ait connue la science, et elle devient alors sujet de laboratoire ("factaire expérimentale") aux mains d'un étudiant incapable, puis enjeu dans la lutte entre l'Unanimité au pouvoir et les Unionistes qui la convainquent de les rejoindre dans leur combat contre cette société hégémonique. |
Quand, à travers le discours d'un personnage, Mitchell craint d'être trop didactique, il a le clin d'œil de faire dire à Somni~451 : "Je savais déjà tout cela, mais préférai ne pas l'interrompre". |
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Plusieurs choses me frappent à cette lecture. |
La science-fiction apparaît ici pour ce qu'elle est vraiment : moins un genre qu'un domaine d'exercice de la littérature, rassemblant des intrigues de tous types, mais situées dans des environnements spatio-temporels spécifiques qui présentent les deux caractéristiques complémentaires et essentielles d'avoir toujours un rapport, direct ou indirect, proche ou éloigné, avec le monde réel, généralement une filiation de caractère historique, et cependant de ne pas (ou pas encore !) exister dans la réalité, s'en démarquant par des hypothèses très diverses, souvent un état différent de la technique, parfois de la science, mais aussi d'autres éléments, presque toujours liés à des états de la société, que celle-ci soit située dans le passé, le présent ou, dans la majorité des cas, un avenir plus ou moins éloigné… |
1 Paris, l'Olivier, 2007, 663 p. (Cloud Atlas, 2004), encore pas sorti en poche, hélas…
2 Où il a été finaliste du Booker Prize en 2004.
3 Je ne citerai que la remarquable chronique qu'en fait Pascal J. Thomas dans le n°58 (nov. 2007) de KWS
4 Ainsi commence au milieu d'un mot le roman de Céline Minard Le dernier monde. Voir ici.
5 Les premières parties des histoires sont en fait disposées par ordre chronologique.
6 Saluons à ce propos la prouesse du traducteur Manuel Berri, non seulement dans ce chapitre où son travail relève lui aussi de la virtuosité, mais dans tout le livre.
7 Du même auteur, Écrits fantômes, l'Olivier, 2004, rééd. Points 2005 (Ghostwritten, 1999), à la construction voisine de celui-ci, et où d'ailleurs deux des personnages du présent roman apparaissent furtivement, ainsi que number9dream (2001), et Black Swan Green (2006) qui n'ont pas été (encore ?) traduits chez nous. Aucun ne relève a priori de la science-fiction.