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Filippo Lippi : Annonciation de l'église san Lorenzo, Florence (ca. 1445, bois, 175 x 183 cm.)



La perspective est ici presque envahissante : où que se porte le regard, il est guidé par des lignes de fuite, à gauche le long d'une façade dans l'ombre, à droite surtout avec la multiplication d'éléments architecturaux. On notera que la composition n'est pas vraiment symétrique, puisque Marie et Gabriel sont situés tous deux du côté droit du tableau.

Des attributs habituels, n'est nettement présent que le lys, toujours sur une tige rigide. Le livre est sans doute là, mais il nous est caché par le lutrin sur lequel il serait ouvert, et la colombe volette dans l'ombre au dessus de l'ange central, à peine visible. Quant au lit, les autres tableaux donnent à penser qu'il pourrait se trouver au fond de l'alcôve de droite, mais ce n'est qu'une hypothèse gratuite.

Ce qui m'intéresse aussi, c'est la présence de deux personnages dont les ailes et les auréoles suggèrent qu'il s'agit d'anges, mais alors auxiliaires, et dont l'un, chose rare dans ce genre de scène, lance au spectateur, en se retournant à demi, un regard direct dont la signification exacte me reste mystérieuse, mais où je n'arrive pas à ne pas voir un peu de goguenardise...

Je note également, en bas à droite, dans une sorte d'encoche pratiquée dans le sol, un vase dont on peut penser qu'il va bientôt contenir la tige du lys, qui d'ailleurs est presque alignée sur son col, destination dont les connotations sexuelles me paraissent assez évidentes dans le contexte.

Une correspondant m'a envoyé à ce sujet, en novembre 2008, la remarque suivante :
"Cet objet symbolise la virginité de Marie - les théologiens médiévaux ont souvent eu recours à la métaphore de la lumière qui traverse le verre sans le briser pour signifier que Marie reste vierge malgré la conception puis la naissance de Jésus."
Effectivement... D. Arasse (L'Annonciation italienne, op. cit., p. 143), en parle ainsi : "... emblème connu du corps marial dans le moment de l'incarnation - puisque, traversé par la lumière sans être brisé, il est l'image de la virginité de Marie, ce vase..."

Enfin, la posture de la Vierge est étrange : assez déséquilibrée, assez apprêtée, avec un geste des mains presque négatif.