La saison 2006-2007 de mes humeurs continue...
Je continue à m'y laisser aller au plaisir de lancer des bouteilles à la mer en parlant de diverses choses : des qui m'agacent, des qui m'épatent, des qui m'remuent, qui m'intriguent, me terrifient, m'enchantent ou me font poiler. Et, comme par le passé, je me laisse la liberté d'en rajouter de temps en temps, sur telle ou telle humeur passée, la chose étant signalé par un "MàJ" daté dans la marge...
Au début était le rideau noir, sous lequel le photographe cachait sa tête pendant que ses mains aveugles semblaient tâtonner sur les réglages et que d'obscurs échanges de plaques s'opéraient mystérieusement dans l'obscurité avec des claquements assourdis. Le photographe d'alors était un homme sans tête qui cependant la recouvrait brièvement en la découvrant quelques secondes, comme Mouret ci-contre.
Puis la posture changea, pour des décennies : les photographes sortirent de leur cachette pour devenir ces sortes de demi-borgnes qui, non contents de masquer leur oeil (droit en général) derrière un parallélépipède plus ou moins métallique, fermaient vigoureusement l'autre, donnant ainsi l'impression paradoxale de se retrancher du monde au moment même où ils tentaient de le mettre en boîte.
Seule exception : le Rolex qu'utilisaient les journalistes, où la visée se faisait par en dessus, en une sorte d'inclinaison de la tête, de révérence du visage, le photographe se courbant ainsi, comme avec respect, devant son sujet.
Mais, amateur, le photographe argentique était modeste. Malgré la disparition du rideau noir, et la diminution constante de la taille des appareils, il continuait à rester en partie masqué par son instrument. Le plus souvent, il était fermement campé sur ses jambes, rigide, hiératique, mystérieux et figé ; parfois en revanche (et c'était semble-t-il une spécialité de la touriste japonaise) il pliait à demi les genoux, dans une espèce de génuflexion instable qui semblait avoir pour objectif d'abaisser le point de visée, ou qui, dans le cas nippon, semblait vouloir faire entrer le plus possible d'arrière-plan comme toile de fond, comme s'il fallait apporter la preuve formelle d'un passage devant tous ces lieux mythiques, au point qu'on imagine des "soirées diapo" à Yokohama où les mêmes personnages apparaissent interminablement devant des monuments successifs se présentant comme autant de toiles peintes exotiques. Notons seulement que cette position était, hélas, plutôt propice au "bougé".
Tout a changé. Foin de ces modesties ou de ces pudeurs : le photographe numérique s'exhibe. Bien planté sur ses pieds, les bras tendus devant lui, il semble vouloir embrasser le monde qui s'étale en face de son objectif.
On peut enfin voir son visage en action, y lire les sentiments que lui inspire ce qu'il tente de capter. On peut d'ailleurs aussi lire ceux que lui inspire le résultat de sa prise de vue, puisque le geste qui suit immédiatement la visée embrassante, c'est celui de la scrutation concentrée de l'écran de visualisation, gestes assez similaires, puisque c'est le même écran qui est visé mais au fil desquels la physionomie de l'opérateur change parfois du tout au tout...
Je parlais ici, en mars dernier, à propos de mathématique, du caractère étrangement poétique que peuvent prendre certains jargons spécialisés..
Il y a un autre domaine où le langage technique peut prendre une tonalité tout aussi étrange, mais ici à cause de la spécificité et de la richesse du vocabulaire. Il s'agit de la marine à voile.
J'en veux pour preuve le texte ci-dessous que je tire du très intéressant petit livret qui accompagnait à titre gratuit la réédition chez "Omnibus" en 2006 de la formidable et passionnante saga de Patrick O'Brian, Les aventures de Jack Aubrey, et qui s'intitule Les navires de Jack Aubrey.
Ce livret, d'une centaine de pages, est dû à la science maritime d'André Vergos (qui n'apparaît même pas sur la couverture comme auteur, il est seulement cité dans les "Remerciements"), et aux dessins très clairs et très précis de Joël Bordier. On trouvera ces lignes aux pages 36-37, si on arrive à mettre la main sur cet ouvrage hors commerce.
Le brasseyage de la vergue de hunier était limité par le premier hauban du mât de hune à l'endroit où étaient capelée, sur le hauban, les gambes de revers et malgré l'action du trélingage qui avait tendance à serrer les haubans contre le mât à cette hauteur. Pour permettre une action encore meilleure des trélingages, on les croisait, c'est-à-dire qu'on frappait le cordage qui les constituait sur le premier hauban de babord, par exemple, et qu'au lieu de le faire passer autour du premier hauban de tribord, on le faisait passer autour du deuxième ou du troisième hauban de tribord. On "souquait", et ainsi de suite. (...) Cela avait pour effet évidemment de faire reculer le premier hauban sur l'arrière et de permettre ainsi un brasseyage plus pointu et par conséquent un meilleur près.
J'aime beaucoup les guillemets soudains autour de "souquait" : à ce compte, il en faudrait quasiment partout !
Ce texte a une finalité pédagogique, mais dans les romans d'O'Brian (et nombre de romans historiques) l'utilisation de ce vocabulaire a presque la même fonction que le novum cher à Richard Saint-Gelais et à Irène Langlet, et que cette dernière présente comme spécifique à la science-fiction (voir La science-fiction. Lecture poétique d'un genre littéraire.- Paris, Armand Colin, 2006, 303 p.).
Mais de ce livre, et de cette question, je reparlerai très bientôt...
Didier Thimonier
Slogans de campagne
4 juil. 2007 Ça me fait rire
Il y a pas mal d'années, à l'occasion d'élections cantonales, j'avais vu fleurir sur les murs de Marseille, une affiche proclamant sans barguigner :
"Tous ensemble hors des sentiers battus !".
Superbe, non ? Alors cette année, pendant les élections législatives, j'ai été me promener sur le web pour voir si je trouvais des slogans aussi drôles. Pas beaucoup, hélas. Voici cependant un petit échantillonnage de ceux qui m'ont paru sortir un peu de l'ordinaire, soit par imagination débordante, soit au contraire par désolante banalité, ou par totale vacuité de sens...
Emile Granville, Parti Breton, circ. De Redon : « La Bretagne est bridée pour aller de l’avant »
"Un homme, un mandat, des résultats", "Christophe Casabonne, sans ét., 1ère de Paris (qui confond par ailleurs aphorisme et tautologie : "Démocratie "participative", c'est un aphorisme, ça n'existe pas. C'est la Démocratie tout court! ")...
"Un ami personnel de Nicolas Sarkozy" (Arno Klarsfeld, 8e de Paris)
"L’heure est au renouveau", Damien Cesselin, 4e du Calvados (PS)
"Changez le 10e", Lynda Asmani, 10° arr. de Paris, (UMP)
"Ensemble, osons une députée active", Brigitte Kuster, Paris, UMP
"Résister pour construire demain", 2e de Paris, Marine Roussillon, PCF
"Le Gers de toutes nos forces" , 2e du Gers, Victoire Crispel, Modem
"Au coeur de nos territoires", François Calvet, UMP, 3e des Pyrennées orientales.
"Les nôtres avant les autres", Odile Bonnivard, 10e de Paris, candidature SDF contre "la paupérisation des Français de souche" (sic)
"Votre député en 2007", Philippe Kaltenbach, PS, Clamard.
"Pour une candidature loin des clivages", "L'égalité pour tous", Farid Saidani, SE, 8e du Val d'Oise
"En dehors du spectacle politico-mediatique, une Véritable Alternative, une Espérance en Action !", "Réalisme, Respect, Responsabilité, Éthique", Smaïn Bédrouni, La France en action, Seine-St-Denis
"Un nouveau député pour bâtir l'avenir", Michel Py, (UMP ?) Leucate
"2007, le changement", Damien Cesselin, 4e du Calvados
"Ensemble pour la majorité présidentielle", Léon Vachet, UMP, 15e des BdR
"Face à la droite, des réponses de gauche", Lucien Mouiller, PS, 7e de la Loire.
"Ensemble, gagnons pour demain", Jérôme Mouhot, UMP, 2e de la Charente
"Le changement est en marche, plus rien ni personne ne l'arrêtera !", Dominique Schemla, UDF-Modem, 3e des P Orientales
"La France de toutes nos forces", Thierry Pauchet, UDF-Modem, 3e du Nord
"Tous ensemble, en action", Jacques Krabal, PRG, 5e de l'Aisne
Voilà.
Certes, ce ne sont que des slogans, il y a derrière ça des programmes, des projets, parfois des partis, mais la communication politique n'est pas très enthousiasmante !
Finalement, un des meilleurs, dans le genre "ça ne veut rien dire mais je le dis quand même", c'était celui de la candidate socialiste (voir ci-contre) : "La France présidente".
Annonciations (3)
5 juin 2007 Ça m'enchante encore
Et voici une nouvelle série d'Annonciations, suites à celles publiées ici le 24 juillet et le 19 novembre 2006.
Cette troisième série sera consacrée à un seul artiste, emblématique du milieu du quattrocento, Fra Filippo Lippi.
Si j'en crois Wikipedia sur le sujet, "F. Lippi (del Carmine) est né à Florence en 1406 et mort à Spolète le 9 octobre 1469".
Au-delà des anecdotes, le fait par exemple que, moine des Carmes, il ait séduit une nonne et ait fini par l'épouser, donnant d'ailleurs ainsi le jour à un autre grand peintre, Filippino Lippi, ce qui me frappe ici, c'est la variété des techniques et inspirations, sur plus de 30 ans... Il se situe entre Masaccio, qu'il verra travailler, et Botticelli qui sera son élève, et il sera au service des Médicis.
À ma connaissance, Lippi a peint dix ou onze annonciations. J'en ai sélectionné ici six qui me paraissent représentatives, ou qui me plaisent particulièrement.
Donc si ça vous amuse toujours, cliquez sur les vignettes ci-dessous, rangées plus ou moins par ordre chronologique : vous pourrez voir une image plus grande, et lire un bref commentaire.
Washington, c. 1435/40
Rome1, c. 1440
Florence, c. 1445
Màj, 5 nov. 2008
Rome2, c. 1445-50
Londres, c. 1448-50
Corsham, c. 1466
Un poète
23 mai 2007 Ça me touche
Je disais ici à propos de Victor Hugo que je n'avais pas une grande passion pour la poésie... Il ne faut pas dire fontaine...
Lisant un roman policier écrit par un de mes anciens collègues(1), je tombe sur l'extrait qu'il donne d'un poème d'un auteur marseillais, Louis Brauquier.
En ce qui me concerne, inconnu au bataillon. Mais ce texte, va savoir pourquoi, me touche beaucoup, j'en reste pantois. Et je me mets donc à la recherche de ce poète ignoré de moi. Je trouve vite le bouquin dont on peut voir la couverture ci-contre(2), avec ci-dessous un extrait de la quatrième de couverture :
Né en 1900 à Marseille, mort en 1976, agent des Messageries Maritimes, Louis Brauquier fut en poste à Sydney, Nouméa, Alexandrie, Djibouti, Shanghaï et Diégo-Suarez. Loin des modes, des écoles et des engouements de son époque, cet homme libre, fier de son métier de négociant, consacra sa poésie au monde maritime, au mouvement des navires, à l'attente dans les ports et à la vie ailleurs.
Et voici le poème en question (ici en entier...) :
Chanson de Marseille
Elle dansait le soir Dans l'American-Bar, Au coin d'une rue de la Joliette.
Les marins anglais Pour elle chantaient, En choeur, des chansons de Tempêtes.
La chanson des mers Froides, des flots verts Qui battent les falaises grises,
Les îles perdues Et les grands Docks nus, Droits sous la pluie de la Tamise.
La blancheur du Nord, Aux glaces du bar, Mettait un halo électrique ;
Et les matelots Des Péninsulars Rêvaient sourdement du Tropique.
Plus d'un fut laissé Mort, sur le pavé, Dans l'aube, au coin de la ruelle.
Nul ne se vantait De l'avoir touchée ; On ne savait qui protégeait la belle.
La fille enchantée, Torride, passait, Comme un poison dans les soirs rouges.
Pourtant un matin, La trouva, le sein Ouvert, sur la porte du bouge.
Le bar est fermé, La glace est brisée, Il y a des gens de la police.
On ne chante plus. On ne danse plus ; Le patron du bar est en fuite.
Mais ce n'est pas lui Qui a fait le coup ; C'est le crime d'un équipage,
D'un sloop hollandais Qui, aux Féroé, Depuis vient de faire naufrage.
Au-delà d'une partie de l'anecdote, ce poème me fait penser à celui d'Aragon "Est-ce ainsi que les hommes vivent ?", si Aragon avait été marin. Mais il y a aussi dans ce personnage quelque chose du Brassens du "Bistrot".
Bien d'autres poèmes, dans ce livre, souvent imprégnés de cette nostalgie maritime et exotique qui est peut-être précisément celle qui a poussé Marius à aller mesurer le fond de l'Océan...
On se le demande !
J'ai toujours entendu dire une voiture, une auto (ça c'est plus vieux) une bagnole, une tire, une caisse, une chignole, une gamelle, etc. En français, l'instrument automobile a toujours été au féminin.
C'est en train de changer. La voiture passe au masculin...
Je ne sais pas exactement comment ça s'est produit. Je crois que c'est venu avec les 4x4 et les monospaces. Quelques exemples :
Mais, si l'on en croit l'image de gauche, ci-dessus, la chose n'est pas si récente !
Bon, 4 x 4 je veux bien que ce soit masculin, c'est passé dans les moeurs comme ça, de même que break, mais il n'y a pas vraiment de raison ; en tout cas, on parle bien "du" Chevrolet Captiva, "du" Qashqai, "du" Freelander, "du" Discovery ou "du" Murano.
Quant à monospace, si ça vient d'espace, ça peut se justifier, mais je crois me souvenir qu'au moment de sa sortie, on disait "une" Espace (on dit bien "une" Polo) ; je veux bien aussi qu'on dise "un" SUV, puisque, dans le sigle Sport Utility Vehicle, le V est là pour "véhicule", donc masculin. Mais voilà qu'on annonce "Le nouveau Nissan 350 Z (...) à Genève" et, vérification faite, c'est une bête voiture de sport, ni 4x4, ni monospace, ni encore moins SUV, et la même page nous parle d'ailleurs de "la" Nissan 350 Z... Et je trouve autre part : "la Modus, le nouveau monospace...". Quant "au" nouveau Kangoo, il fait référence à quel nom commun ? "Un" utilitaire ? Un "ludospace" ?
Tout ceci est bien mystérieux...
Propres, mais communs..
3 mai 2007 Ça m'amuse
Je me plais souvent à retrouver, sous les noms de célébrités ou de personnalités étrangères qui sonnent pourtant à mes oreilles de manière exotique, des noms communs dotés de significations très terre à terre.
On n'ignore pas, par exemple, que le plus grand musicien allemand s'appellait Jean-Sébastien Ruisseau, mais sait-on que de nombreuses valses et polkas ont été composées à Vienne par les Jean Botte, père et fils, le "Chevalier à la Rose" par Richard Botte, qui n'était même pas leur cousin, et le concerto À la mémoire d'un ange par Albain Montagne ; qu'un des philosophes les plus réputés de ce pays répondait au curieux nom de Louis Ruisseaudefeu, un de ses grands littérateurs s'appelle Thomas Homme, un de ses grands physiciens Albert Unepierre, un de ses plus grands peintres récents Paul Trèfle ?
Traversons la Manche et rappelons-nous que les Voyages de Gulliver ont été écrits par Jonathan Rapide, et souvenons-nous du premier Ministre de la Reine Victoria, Guillaume Pierrejoyeuse, et de sa presque contemporaine l'infirmière Florence Rossignol ; je ne parle pas des innombrables Forgeron qui encombrent les annuaires britanniques. Passons outre-Atlantique pour découvrir que Joséphine, la chanteuse aux bananes, n'était pas boulangère, malgré son nom, et que le président étasunien est George Buisson, dont un des prédécesseurs répondait au doux nom de Gerald Gué.
Le Premier Ministre espagnol s'appelle, comme on le sait, José Luis Rodriguez Cordonnier, ou mieux, Savetier, et on garde le souvenir de la grande cantatrice Victoire Des Anges, dont je ne sais si elle a jamais chanté en duo avec son compatriote le ténor Calme Dimanche.
Les musiciens baroques italiens Alexandre et Dominique devaient être Écarlates, Giuseppe était Vert, ou plutôt Verts, au moins aux oreilles du fameux sémiologue et romancier Hubert Écho et du Président du Conseil Romain Braves, qui a dû connaître le magnat de la Fiat, Jean Agneaux lequel n'ignorait sans doute pas le coureur moto Valentin Rouges.
On pourrait multiplier les exemples à l'infini, et je ne parle pas de l'arabe où la plupart des noms propres sont des qualificatifs ou des substantifs...
L'excuse est que nous connaissons rarement plusieurs de ces langues et que, quand nous en connaissons une, nous ne pensons même pas à faire le rapprochement. La meilleur preuve, d'ailleurs, c'est que nous ne nous en apercevons à peine quand il s'agit de noms propres... français, ceux des musiciens, écrivains, artistes, scientifiques, financiers : Rameau, Pasteur, Petitpas, Corneille, Racine, Chausson, Hachette, Renard, Léger, Boucher, La Bruyère, Larousse, Boulanger (deux fois), Rivière, Coeur, Poisson,
Et il ne s'agit même pas là de noms communs ayant pris le nom de leur inventeur, comme Poubelle, Frigidaire, Sandwich, Ampère, Sosie, Morse, Godillot, Laïus, Béchamel ou Diesel, mais bien de personnages dont le patronyme est un nom commun.
On sait que la plupart des noms propres de personnes viennent de caractéristiques physiques ou de métiers... Voilà une confirmation !
D'autres noms vous viennent à l'esprit ? N'hésitez pas à me les faire connaître...
Les versions originales, dans le désordre alphabétique :
Giovanni Agnelli
Jean-Sébastien Bach
Josephine Baker
Georges W. Bush
Placindo Domingo
Umberto Eco
Albert Einstein
Ludwig Feuerbach
Gerald Ford
William Gladstone
Paul Klee
Victoria de Los Angeles
Florence Nightingale
Romano Prodi
Valentino Rossi
Johann Strauss, père et fils
Richard Strauss
A. et D. Scarlatti
Smith, Smith, & Smith !
Jonathan Swift
Giuseppe Verdi
José Luis R. Zapatero
Chronologie et biographies
20 avril 2007 Ça me confusionne
Les curriculum vitae sont très souvent présentés dans un ordre qu'on appelle antichronologique, c'est-à-dire en commençant par la fin, et en remontant dans le temps...
J'ai été en position d'en lire une bonne quantité récemment : franchement, je n'arrive pas à me faire à cette présentation qui montre le postulant, comme le héros d'En attendant l'année dernière de Dick, rajeunir progressivement jusqu'à quasiment la pré-adolescence ("1990 : brevet des collèges"). On me dit que cela permet de privilégier d'un coup d'oeil l'adéquation actuelle du candidat au poste proposé. Peut-être... Mais on perd un peu le sens de la causalité.
Dieu sait pourquoi, le journal Le Monde utilisait la même méthode quand il présentait, dans ses pages spéciales consacrée à tel ou tel individu remarquable, un bref encadré censé résumer la carrière de cette personnalité (tiens, encore un mot neutre "au féminin", voir à ce sujet Le sexe de la langue). On survolait donc rapidement un texte, supposé nous donner un aperçu rapide d'un parcours professionnel, à apprécier d'un seul coup d'oeil, et où on nous décrivait d'abord Jean Duchenok comme PDG de "Finance and Co", puis recruté à prix d'or par cette société, puis modeste mais prometteur analyste financier chez un concurrent, et enfin sorti major d'une école de commerce. Un peu désarçonné, on secouait la tête, et on se reportait aux dates inscrites dans la marge, pour s'apercevoir qu'on était en train de remonter le temps. Dieu merci, le quotidien a abandonné cette pratique sauf, notons-le, dans les notules "CV" du Monde de l'économie, le mardi...
Reste qu'il a parfois une conception du CV, ou plutôt ici de la biographie, assez... squelettique : parfois pas plus de 3 dates. Alors si cette bio est une nécro, il ne reste plus grand chose. C'est comme si on écrivait à propos de Charles de Gaulle : 22 novembre 1890, naissance à Lille ; 18 juin 1940, appel à la résistance ; 9 novembre 1970, mort à Colombey-les-Deux-Églises.
Il fut un temps d'ailleurs où le même journal, quand il présentait des éléments chiffrés de l'actualité du jour, par exemple des résultats d'élections, les comparait avec des éléments d'événements précédents, mais en commençant par les plus récents, supposés contenir l'information brûlante. On se trouvait alors devant des tableaux à lire, horizontalement cette-fois, mais en sens inverse.
D'ailleurs, le Monde n'a jamais été très fort en sémiologie graphique, au sens de Bertin. (Tiens, j'apprends avec plaisir que cet ouvrage absolument fondamental et particulièrement jouissif et intelligent, vient d'être réimprimé -dans sa troisième édition de 1998- par l'Ecole des hautes études en sciences sociales).
Design Karlsson
MàJ : 26 juin 2007
En la matière, Le Monde fait de mieux en mieux : dans le supplément économique du 26 juin, le "CV" de Gerhard Rohde, indique, toujours de manière anté-chronologique, qu'en 2007, il est responsable du "syndicat Ibits"... "depuis 1998". Ça, c'est une manière de marquer des dates : a posteriori ! On pourrait faire ainsi le CV de Napoléon, qui meurt en 1831 (depuis 10 ans) après avoir été couronné empereur le 2 décembre 1808 (depuis 4 ans) et être né (depuis 6 ans) en 1775 !
La pub nous vole le temps
25 mars 2007 Ça me laisse pantois
Je n'ai pas la télévision, et je la regarde donc rarement, encore moins le matin. Il m'arrive cependant, quand je suis à l'hôtel, de l'allumer histoire d'avoir quelques infos. Et la semaine dernière, je me suis aperçu d'un phénomène assez ahurissant, dont je ne me doutais pas... C'était sur France 2. Je n'ai pas été voir sur TF1 ou M6, je n'ai pas pensé à le vérifier, et je ne vais pas à l'hôtel assez souvent, mais j'imagine que ce doit être le cas aussi.
Voilà : pendant toute la première partie de la matinée (sans doute jusqu'à 9h, je n'ai pas été jusque là) la chaîne affiche, en bas à gauche de l'écran, une petite pendule qui indique l'heure. Bien pratique, hein, quand on est en train de boutonner sa chemise et qu'on se demande soudain (dépaysement oblige) si on va être en retard à sa réunion, qui se tient dans un quartier éloigné autant qu'inconnu, et alors que sa montre est encore sur la table de nuit. Un coup d'oeil, et c'est fait. A tout moment. A tout moment ? Pas vraiment...
Car il y a des périodes, assez fréquentes, où cette pendule disparaît brusquement. Pfttt ! Plus rien. Pendant une à deux minutes, parfois plus, vous pouvez toujours chercher l'heure, elle n'y est plus. Quelles sont ces périodes de disparition du temps ?
Eh bien ce sont les plages de publicité ! Pendant la publicité, la pendule disparaît. Pendant la publicité, pas d'heure. Ca risque de vous mettre en retard ? La publicité s'en fout, elle a tous les droits, elle prend la main sur toute autre considération. La publicité est sacrée, rien ne doit troubler le regard que vous portez sur elle, elle abolit le temps. La publicité est reine, elle fait le vide autour d'elle.
Elle nous vole le temps.
France 2
MàJ : 15 avril 2007
Où ai-je lu que, pendant le Sidaction, fin mars dernier, les chaînes ont affiché en permanence, tout le week-end, dans un coin de l'écran, le numéro à appeler pour faire des dons, le 110. En permanence, sauf... pendant la pub.
Le pub nous vole aussi la solidarité...
Une bulle de cinéma
5 mars 2007 Ça me ravit
Des deux grands comiques de la grande époque du muet, Buster Keaton et Charles Chaplin (malgré leurs qualités, Harold Loyd, Harry Langdon et le couple Hardy-Laurel sont pour moi un cran derrière) j'ai toujours préféré, et de loin, le premier au second. Il y a chez lui une absence de sentimentalisme, une économie de moyens et surtout, une merveilleuse élégance formelle, qui m'ont toujours stupéfié.
Dans je ne sais plus quel long métrage, par exemple (quelqu'un le sait ?), il reçoit un coup de fil de sa fiancée qui lui demande de venir le rejoindre chez elle, et alors qu'elle continue à lui raconter toutes sortes de choses, il a déjà abandonné l'écouteur et dévalé quatre étages pour ensuite traverser la moitié de la ville de sa foulée tenace, véloce et élégante pour la trouver chez elle, toujours au téléphone, et plutôt ébahie de le voir, à peine essoufflé, alors qu'elle croit encore l'entendre au bout du fil...
Dans tel autre film, et j'ai également oublié lequel, attendant une autre fiancée qui se prépare au premier étage, il s'échappe précipitamment, au rez-de-chaussée, des amabilités plutôt envahissantes de sa belle-famille et s'enfuit précipitamment dans un couloir le long d'un escalier d'où descend, au même moment, la jeune fille maquillée et coiffée dont il n'a plus, en freinant souplement, qu'à prendre tranquillement le bras sur la dernière marche, dans la foulée, comme si de rien n'était...
Mais Internet permettant maintenant de partager ça visuellement, j'en donne ici un exemple plus imagé. Il s'agit d'un bref extrait du court-métrage "The Goat" ("Malec l'insaisissable", 1921), où je trouve que toutes ces qualités sont réunies.
À lire, le remarquable Buster Keaton, de Jean-Pierre Coursodon...
Voici le contexte : à la suite d'un quiproquo, Buster est pris pour un dangereux gangster et sa photo s'étale à la une des journaux. Il est donc poursuivi par divers flics, dont le chef de la police, grand costaud doté d'une grosse moustache (Joe Roberts), qui le traque assidûment, et à qui il joue, plus ou moins volontairement, toutes sortes de tours pendables... Plus tard, Buster sauve une charmante jeune fille des griffes d'un goujat, et elle l'invite en remerciement à venir déjeuner chez ses parents. Présentation à la Maman, on se met à table, le Papa arrive : évidemment, c'est Grosse moustache. Mais Buster qui, penché sous la table, fait mumuse avec le chienchien de la maison, ne le voit pas et lui reste également invisible ; Papa enlève son manteau, salue sa famille, s'attable, dit le benedicité et déplie sa serviette. Et là ils se découvrent enfin. Alors, comme on le voit ici (bonne définition, mais fichier de 4,2 M), ou là (moins bonne qualité, mais fichier de seulement 920 K), Grosse Moustache renvoie sa famille, ferme la porte à clé, et roule des yeux terribles devant un Buster terrorisé, mais qui ne perd pas son sang-froid : voyez comment il s'en tire.
J'adore ces deux péripéties finales coup sur coup, la première pleine d'adresse, la seconde d'astuce, mais toutes deux alliant acrobatie, chorégraphie minutée et humour, avec toujours cette merveilleuse élégance formelle dont je parlais.
"Après la bataille" : révisons le père Hugo
27 fév. 2007 Ça m'amuse
Il y a quelques textes incontournables que l'on apprend à l'école, et dont on est censé se souvenir toute sa vie. L'ennui pour moi, c'est que mon manque de passion pour la poésie (je sais, ce n'est pas bien, mais qu'y puis-je ?) doublé d'une mémoire textuelle assez défaillante, fait que je ne me rappelle pas grand chose des vers appris dans mon enfance.
Cet oubli a cependant un avantage : quand je retombe sur un de ces textes, j'ai un petit coup de madeleine proustien assez agréable. C'est ce qui m'est arrivé l'autre jour quand, avec des amis, nous avons essayé de réciter "par coeur" le fameux poème de V. Hugo, titré "Après la bataille", tiré de La Légende des siècles.
Aucun n'y arriva, sauf l'une d'entre nous, qui nous épata en le récitant de bout en bout. Je me mis donc à la recherche de ce poème, pour le lire à tête reposée. Ce fut une redécouverte : cet hymne à la bonté paternelle ne manque pas d'absurdités, d'incohérences et d'approximations.
Je vous le prouve en le reproduisant intégralement ci-dessous, muni de commentaires de mon cru, critiques, explicatifs ou interprétatifs. Accrochez-vous :
Mon père, ce héros au sourire si doux,
Suivi d'un seul housard qu'il aimait entre tous1
1 Cette rime prouve qu'à l'époque "doux" se prononçait encore "douss", comme au XVIIe s.
Pour sa grande bravoure et pour sa haute taille,2
2 Le père aimait donc ce housard "entre tous" pour deux raisons dont… sa haute taille. Drôle de critère… La rime avec "bataille", peut-être ?
Parcourait3 à cheval, le soir d'une bataille,
3 On se demande pourquoi. Il n'avait pas mieux à faire, par exemple visiter les blessés à l'infirmerie ?
Le champ couvert de morts sur qui4 tombait la nuit.
4 On verrait mieux "sur lequel" ou, pour respecter le nombre de pieds, "sur quoi". À moins qu'il ne s'agisse des morts...
Il lui sembla dans l'ombre entendre5 un faible bruit :
5 Le soir d'une bataille, entre les blessés, les détrousseurs, les hommes chargés des ensevelissements, on doit avoir du mal à discerner un "faible bruit" !
C'était un Espagnol de l'armée en déroute,
Qui se traînait, sanglant, sur le bord de la route,
Râlant, brisé, livide et mort plus qu'à moitié,
Et qui disait : " À boire ! à boire ! par pitié6 !"
6 Donc en français... Bizarre !
Mon père, ému, tendit7 à son housard fidèle
7 Il ne le fait pas lui-même, évidemment... Un général, pensez donc !
Une gourde de rhum qui pendait à sa selle,
Et dit : " Tiens, donne à boire8 à ce pauvre blessé !"
8 Ne jamais faire boire un blessé avant plus ample examen !
Tout à coup9, au moment où le housard baissé
9 Il y a là une ellipse assez mal venue.
Se penchait10 vers lui, l'homme, une espèce de Maure1112,
10 "...le housard baissé se penchait..." est un peu redondant... 11 Ah ! Ces arabes, déjà ! 12 Très beau vers dissymétrique 5/1/6
Saisit13 un pistolet qu'il étreignait encore,
13 Il "saisit" un pistolet, mais il "l'étreignait" déjà, bien qu'"encore". Bizarre de nouveau !
Et vise14 au front mon père15, en criant : Caramba !
14 Le "vise" donne à penser que le "saisit" du vers précédent était peut-être aussi au présent. Cette rupture des temps de verbe est un peu maladroite, d'autant qu'on retourne au parfait immédiatement après. 15 Et pourquoi pas le housard, pourtant plus proche ?
Le coup passa si près que le chapeau16tomba,17
16Le chapeau ? Quel chapeau ? Irruption soudaine d'un objet qu'on n'avait pas encore vu... 17 Et pourtant, ce vers-là, tout le monde s'en souvient...
Et que le cheval fit un écart en arrière18.
18 Le coup serait passé plus loin que le cheval aurait quand même fait cet écart, à cause de la détonation.
"Donne-lui tout de même à boire ", dit mon père.19
19 Celui-là aussi !
Du coup, je me suis dit qu'on pourrait "corriger" le poème du père Hugo, en tenant compte des remarques ci-dessus. Voilà donc ce que j'en ai fait, de manière très respectueusement irrespectueuse...
"Après la bataille", de Victor Hugo, version révisée par Giangi
Mon père, ce héros au sourire si doux,
Suivi d'un seul housard qu'il aimait comme un fou
Pour des tas de raisons, compris sa haute taille,
Parcourait à cheval, le soir d'une bataille,
Le champ couvert de morts sur quoi tombait la nuit.
Il lui sembla tout proche entendre un faible bruit :
C'était un Espagnol de l'armée en déroute,
Qui se traînait, sanglant, sur le bord de la route,
Râlant, brisé, livide et mort plus qu'à moitié,
Et qui disait : " À boire ! à boire ! à boire, ollé !"
Mon père, handicapé, tendit à son fidèle
Une gourde de rhum qui pendait à sa selle,
Et dit : " Donne une goutte à ce pauvre blessé !"
Alors, au moment même où le housard aimé
Se penchait vers lui, l'homme, ici un peu moins mort,
Saisit un pistolet caché dessous son corps,
Et tira dans le noir, en criant : Caramba !
Le coup passa si près que son chapeau tomba,
Mais, retenant l'écart du cheval en arrière,
" Donne-lui tout de même à boire ", dit mon père.
Pourquoi pas ?
Les rois de la com
10 fév. 2007 Ça me laisse perplexe
Il y a des exemples de communication qui me laissent sans voix. En voici quelques-uns...
J'ai un jour pris un ascenseur où chacun des 6 étages étaient appelable, comme d'habitude, par un bouton doté d'un numéro, mais également d'un bosselage en Braille. J'étais ravi de voir qu'on avait pensé aux aveugles quand je me suis aperçu que cette "traduction" ne concernait que les 6 boutons d'étage : le bouton de maintien des portes ouvertes, et surtout celui de l'alarme, étaient lisses ! Je comprends que, pour le premier, il soit difficile d'en résumer le sens, mais pour le second l'équivalent d'un "SOS" devrait tenir sur le bouton, non ? En tout cas, pas commode en cas de blocage...
Les premiers concepteurs du Minitel, sachant qu'ils s'adressaient en majorité à des gens ne connaissant pas les claviers de machine à écrire, avaient cru leur faciliter la vie en rangeant les touches par ordre alphabétique, oubliant que pour une telle personne, il est aussi difficile de repérer rapidement le "g" ou le "s" sur un clavier "abcdef..." que sur un "azerty...". Total, les novices n'étaient pas plus avancés et les habitués étaient perdus. Heureusement, la bévue a été vite corrigée.
Dans un ordre d'idée un peu différent : beaucoup de gens envoient des messages électroniques qu'ils terminent par la mention : "A demain", ou "Bonne journée" ou "Bonne soirée". Cette mention fait référence au moment où ils terminent leur message, pas à celui où vous serez susceptible de le lire, peut-être à l'instant-même, mais peut-être aussi douze heures, ou vingt-quatre heures après, ou même la semaine suivante..., ce qui fait qu'on trouve souvent cette formule tout à fait décalée. Bizarre que les expéditeurs oublient de se mettre à la place (à l'heure) de leur destinataire, et confondent le moment où le message arrivera sur le poste de celui-ci (presque immédiatement, si tout va bien) avec le moment où il se trouvera effectivement sous ses yeux...
À une époque, on peignait souvent des indications routières à même la chaussée, avec des flèches directionnelles : une flèche à droite, accompagnée du mot "Paris", une flèche à gauche, avec "Brest". Bien. Parfois, quand le nom désignant la ville était un peu trop long pour tenir dans la largeur de la voie, il était coupé en deux parties... Mais il était ensuite disposé bizarrement : partant du principe que les gens qui lisent ces textes sont en train d'avancer, les responsables avaient mis d'abord la première partie du mot, puis, quelques mètres plus loin, la seconde, oubliant que quand on a dans son champ visuel les deux parties d'un mot l'un sous l'autre, on les lit toujours de haut en bas, globalement, comme d'habitude, et non pas de bas en haut, comme l'auraient voulu les concepteurs. Alors, ça donnait, par exemple, flèche tout droit : "Mille Vinti" au lieu de "Vintimille", ou "Provence Aix-en-" au lieu de ce que vous avez compris.
http://www.liguebraille.be/fr/documentation
MàJ : mai 07
Ci-joint un exemple concernant la ville d'Arles, dont un des faubourgs s'appelle... Trinquetaille !
"Ouverture facile..."
25 janv. 2007 Ça m'angoisse !
Rien ne m'inquiète davantage, quand je suis sur le point d'ouvrir un emballage quelconque, que de découvrir, sur la chose, l'inscription : "Ouverture facile".
Car je sais alors, c'est inévitable, que je vais avoir des problèmes. Déjà, le simple fait que cette inscription existe montre qu'il y a anguille sous roche : si c'était si facile, on n'en parlerait même pas...
Et puis, "facile", ça veut aussi dire, utilisable par n'importe quel imbécile. Or je veux bien être un imbécile, mais pas n'importe lequel. Alors, ainsi ravalé, je sens venir des complexes et, inévitablement, je me plante, je ne trouve pas la languette sur laquelle tirer, je l'arrache là où elle devrait se découper, je décolle une pellicule qui n'est pas la bonne, je fais un trop petit trou par où jaillit sur ma chemise un flot de sauce, je m'entaille le doigt, ou je me brûle parce que tout ça sort du micro-ondes. Alors, je finis par utiliser des ciseaux ce qui, au fond, correspond aussi à une "ouverture facile".
Dans la même rubrique, aussi inquiétante (bien que destinée à vous rassurer) est la dernière phrase que vous dit l'aimable passant à qui vous avez demandé votre chemin, et qui vient de vous décrire un itinéraire : "Vous ne pouvez pas vous tromper !".
C'est comme si c'était fait !
Tiens, aucun rapport, sauf l'expression : si vous voulez un jeu d'énigme presque aussi épuisant qu'un emballage ainsi marqué (mais plus intelligent !) allez donc voir, si vous ne le connaissez déjà, le site Ouverture facile, cliquez sur le logo (copie ci-contre), choisissez votre langue, puis le menu "Jouer".
Vous n'êtes pas sortis de l'auberge, ha ha !
Aucun rapport non plus, allez voir un autre site du même nom, ce sont des écolos sympathiques, et qui semblent renseignés et efficaces.
Drôles de paroissiens...
10 jan. 2007 Ça me laisse pantois
Dans Le Monde daté du 10 janvier, reprenant une enquête publiée par Le Monde des religions de ce mois, on trouve une information plutôt déconcertante.
Enquête donc (CSA, échantillon de 2 012 personnes, c'est du sérieux) sur les croyances religieuses des français, où on apprend qu'il n'y en a plus que 51% à se déclarer "catholiques" (au lieu de 67 en 94) et également qu'il y en a maintenant 31% à se dire "sans religion" (23% en 94). Ajoutons, pour dégonfler une baudruche, que même si la proportion a doublé depuis 13 ans, les enquêtés ne sont que 4% à se déclarer musulmans.
Mais l'information curieuse n'est pas là. Elle est ici :
"Seuls 52% des catholiques jugent certaine ou probable l'existence de Dieu" !
On croit rêver : presque la moitié de ceux qui se déclarent "catholiques" pensent donc que Dieu n'existe probablement ou certainement pas...
Alors, soit le CSA s'est planté dans ses questions ou dans ses calculs, soit beaucoup d'enquêtés ne savent pas ce que signifie le mot "catholique" (à moins qu'ils ignorent le sens du mot "Dieu", ou même carrément les deux !) soit, et j'aurais tendance à pencher pour cette dernière hypothèse, ils se sont fait une sorte de catholicisme à eux, genre post-moderne, à base de bons sentiments et d'agnosticisme plus ou moins sceptique...
Comme disait je ne sais plus qui, dans un autre contexte : "Je ne crois pas aux fantômes, mais ils me font quand même peur"...
Rose de la cathédrale de Lausanne, ph. Claude Bornand
Anglais, première langue
9 déc. 2006 Ça m'agace
Je ne suis pas le seul (et sûrement pas le dernier) à constater que notre vie quotidienne est de plus en plus envahie par la langue anglaise, ou plutôt d'ailleurs par sa version étazunienne. On peut comprendre que ce soit le cas dans des domaines professionnels ou techniques précis, où cette langue est quasiment langue de travail. J'y reviendrai peut-être un jour... On le comprend également quand il s'agit de relations internationales, pour lesquelles cette langue sert de truchement universel... Mais il des cas très nombreux où les raisons d'une telle marée restent mystérieuses. Quelques exemples qui m'ont frappé, en passant...
Si vous avez un moment à perdre, amusez-vous à repérer dans la rue, ou dans les devantures, les tee-shirts (tiens ?) ou autres vêtements qui s'y prêtent, portant une inscription lisible. Dans une immense majorité de cas, sinon plus, et même si on ne compte pas les noms de marques, cette inscription est en anglais.
Pas en français. Mais pas non plus en espagnol, allemand, portugais, italien ou russe, pas plus en suédois, hindi, arabe, vietnamien ou chinois, non plus qu'en occitan, letton, swahili, turc ou esperanto. Quasiment toujours en anglais. Il y a longtemps que je ne me suis pas trouvé dans un pays non anglo-saxon, mais on me dit que le phénomène est beaucoup plus accentué chez nous qu'il ne l'est chez nos voisins méditerranéens ou germaniques. Or, pour l'essentiel, ces vêtements ne sont pas fabriqués dans des pays anglophones, et sont, pour l'essentiel également, conçus par des entreprises françaises de confection... Bizarre.
Il vient de s'ouvrir en bas de chez moi une supérette aux horaires très étendus : 7h-2h, presque 20 heures d'amplitude. Elle pourrait parfaitement s'appeler "Jour et nuit". Trop ringard, sans doute, trop facile à comprendre. Elle pourrait aussi porter un nom imaginatif, genre "Toujours là", "Chien et loup", "Ouvert la nuit", ou encore dans une autre langue "Giorno e notte" ou "Nahar oua leïla", je ne sais pas, ce n'est pas mon métier. Mais non, ne rêvons pas, elle s'appelle évidemment (voir ci-contre)...
Le public préfère-t-il vraiment une consonance anglo-saxonne, qui ferait plus "chic" ou branché, ou bien cette illusion n'existe-t-elle que dans le cerveau embrumé des professionnels du marketing (pour montrer que je ne suis pas linguistiquement raciste !). J'aurais tendance à pencher pour cette dernière hypothèse...
Car, sinon, qu'est-ce qui aurait pu pousser de bien franchouillardes assemblées locales ou régionales à s'engouffrer dans la même ornière ?
Une piste de ski couverte a été inaugurée en novembre 2005 à Amnéville-les-Thermes, en Lorraine. Comment croyez-vous qu'on l'a appelée ? Snow Hall... Créatif, hein ?
Le département de l'Aisne avait lancé l'année dernière une vaste campagne de notoriété. Autour de quelle thématique la déclinait-elle ? Celle de mauvais jeux de mots (je ne suis pas contre !) basés sur la consonance du mot Aisne en... anglais : Aisne'Joy, Peace Aisne love, Aisneglish. Irrésistible, non ? Tout cela était laborieusement expliqué sur le site du Conseil général, mais hélas, remords éventuel, lucidité soudaine, sens tardif du ridicule ou recul devant les réactions, la page en question a disparu. Il n'en reste qu'une trace, un très ringard cours d'anglais, ainsi que quelques éléments dans leurs archives expliquant "une campagne qui décape".
Le Syndicat d'agglomération nouvelle (SAN) de Marne-la-Vallée a pris l'initiative d'organiser à Torcy (Seine-et-Marne), en juin 2006, avec l'aide de la Mission interministérielle de la lutte contre la drogue et la toxicomanie, une exposition destinée à sensibiliser le public aux dangers des drogues. Son nom ? Le voici :
Dans le show business (vous voyez ?), la tendance est tout aussi forte, et les raisons tout aussi obscures :
Il s'est tenu à Marseille en mai 2006, un concert de "Musique traditionnelle du monde", avec Khaled, Daoudia, Mohamed Allaoua, Khalass, Kheira, Abbes, Aissa , DJ Kim, qui se sont donc exprimés en arabe, berbère, français. Mais la manifestation s'appelle : "Maghreb Music Festival".
Macha Makeïeff et Jérôme Deschamps présentent un spectacle musical, sorte de pot-pourri d'extraits d'opéras de Mozart. Rassurez-vous, ce n'est pas un "best-of". Non, mais c'est quand même : "Mozart short-cuts"...
On a même des exemples de films américains dont le titre a été traduit pour le marché français... en anglais ! Ainsi "Bring it on" (Peyton Reed) est devenu chez nous... "American girls", "Cruel Intentions" (Roger Kumble) "Sex intentions", "Phonebooth" (Joel Schumacher) "Phone game" (très fort, celui-là). Quant au dernier (dans tous les sens du terme, hélas) film de Robert Altman, "A Prairie Home Companion" il est devenu en français chez nous "The last show" !
La page d'accueil de Yahoo France présentait, en mai dernier, la rubrique "music" (pourquoi pas "musique", on se demande, d'autant qu'elle parlait, par exemple, du printemps de Bourges, consacré à la chanson française) et la rubrique loisirs était en fait intitulée... "Entertainment".
Il n'est pas jusqu'aux homosexuels qui ne tombent dans le même travers, et ne se présentent obstinément sous le ridicule vocable de "gays", et il leur est consacré une chaîne de télévision appelée "Pink TV", puisqu'on n'ose pas "TV Rose".
Pour moi, tout cela révèle un manque aigu d'imagination, dramatique chez des gens dont c'est a priori la métier. Mais le dernier exemple cité finit par me faire soupçonner que cette utilisation systématique de l'anglais est un moyen de ne pas approfondir le sens des mots, peut-être de les camoufler, ou même de les censurer, que c'est en fait une variété particulière de langue de bois, une forme de politiquement correct, pardon, de politically correct.
J'y reviendrai sans doute...
(LaRedoute.fr)
En bas de chez moi...
(LaRedoute.fr)
(t-shirt store)
Annonciations (2)
19 nov. 2006 Ça m'enchante toujours
Comme promis également, voici une suite à la première présentation d'annonciations faite le 24 juillet dernier. J'y rappelais que j'avais jadis fait un lien entre le thème évangélique de l'Annonciation et les techniques naissantes de la perspective dans la peinture du début de la Renaissance, accompagnant en ce sens la démarche bien plus professionnelle et savante qu'avait adoptée Daniel Arasse (1).
J'en profite, suite à diverses questions qui m'ont été posées, pour ajouter ici que mon intérêt est purement historique et esthétique, et n'a aucune dimension religieuse...
En voici donc une deuxième série, avec toujours un bref commentaire. (Cliquez pour agrandir, comme on dit).
(1) L'Annonciation italienne : une histoire en perspective (Paris, Hazan, 1999, 368 p.)
Cosimo Rosselli 1473
Jean Fouquet ca. 1452
Bartolomeo della Gatta, ca. 1500
Maître de Bohème ca. 1410
Piero della Francesca, 1470
Dierick Bouts ca. 1450-55
Bulles de musique (2)
29 oct. 2006 Ça me ravit toujours
Comme promis, voici une deuxième "Bulle de musique", ces petits instants, très brefs, au sein d'un morceau, un passage, un trait, qui pour moi sont des ravissements, souvent inattendus, et qui sont perçus non avec l'intelligence analytique, mais tout simplement avec le bout de l'oreille, comme en passant ainsi que je le disais dans une humeur de mai dernier, et que j'appelais alors des bulles de musique...
Cette fois-ci, les exemples qui me sont venus à l'esprit se caractérisent par leur qualité de son, leur texture, bref la beauté de leur matériau sonore.
La première "bulle" vient de l'opéra Le chevalier à la rose, de Richard Strauss, où elle débarque un peu après le début de l'acte II, pendant le duo Sophie/Octavian, assez lentement. C'est une série de huit notes, trois, trois et deux, comme des petits points de suspension chatoyants, à l'instrumentation sophistiquée (3 flûtes, célesta, harpe, violons divisés avec sourdine)...
Écouter l'extrait ici, dans l'enregistrement légendaire réalisé par Walter Legge pour le Philarmonia sous la direction de Karajan, avec Schwarzkopf, Ludwig, Wächter, etc. (EMI, 1957).
On retrouve le même motif, développé, mais avec la même couleur sonore, un peu plus en arrière-plan, au début du tout dernier air de l'opéra, là. Cette "bulle" a d'ailleurs, je crois, servi il y a longtemps, de "virgule" à France-Musique.
Une autre bulle dans l'Oiseau de feu, d'Igor Stravinsky, version ballet complète, à la fin du Sherzo "Jeu des princesses avec les pommes d'or", série de notes répétées, qui peuvent faire penser aussi bien aux rebonds du ballon des princesses qu'aux sautillements de l'Oiseau (mais c'est Stravinsky lui-même qui disait que la musique n'exprime rien !). L'extrait proposé ici vient de la version de Pierre Boulez avec le New York Philharmonic, chez CBS en 1975.
La dernière bulle d'aujourd'hui est tirée de la suite Daphnis et Chloé que Maurice Ravel a tirée de son ballet (comme l'Oiseau de feu, d'ailleurs), et plus précisément de l'avant-dernier morceau : "Lever du jour". Je suis assez de l'avis de Stravinsky sur le caractère non expressif de toute musique, mais j'accorde qu'on peut trouver dans cette pièce-ci une des rares exceptions à cette règle. Attention, le début est très discret, tendez l'oreille. La version donnée dans cet extrait est celle de Pierre Boulez avec le même New-York Philharmonic (et les Camerata Singers qu'on n'entend pas ici) en décembre 1975 pour CBS.
Rendez-vous aux prochaines bulles !
Cravates
27 sept. 2006 Ça me fascine
MàJ 11 juil. 2007
Je suis fasciné, en effet, par l'omniprésence autour du cou de beaucoup d'hommes de cet objet bizarre qu'on appelle une cravate, sorte de bande de tissu coloré que l'on enroule autour de son col en y faisant un noeud plus ou moins compliqué. Pas un ministre, pas un PDG, pas un présentateur télé sans cravate. Mais, de même, pas de vendeur de voiture, pas de VRP, pas de technico-commercial, sans le dit accessoire. Pourquoi cette quasi-universalité ?
On peut d'abord l'analyser comme un élément d'individualisation ou, du moins de volonté d'apparaître comme appartenant un sous-groupe : les cravates club rayées ne montrent pas de leur porteur la même chose que les cravates à pois, ni a fortiori, que les cravates Tex Avery.
Sans doute faut-il aussi incriminer la monotonie et la tristesse du costume deux (a fortiori trois) pièces traditionnel, auquel une touche de couleur ne fait vraiment pas de mal. Mais cette explication ne tient pas toujours : lors des "Universités d'été" (il faudrait retrouver l'origine de cette mode, qui consiste en fait en une réunion de rentrée) on voit les hommes politiques ayant "tombé" la cravate, quand ils ne sont pas en polo, pour faire "décontracté", mais toujours en costume, ce qui démontre bien a contrario que c'est la cravate qui est supposée faire "contracté". Le résultat est d'ailleurs souvent du plus haut ridicule...
On constate d'ailleurs que les autres types de "tour de cou" ne font pas florès : le foulard porté sous la chemise à même la peau est complètement démodé, la lavallière ne se voit plus que dans les films sur le Moulin-Rouge, et le ficelle, genre "cow-boy", ou, pire encore, genre "gardian" (faux évidemment, comme on me le suggère à juste titre), ne concerne plus que quelques nostalgiques de l'Ouest : la cravate triomphe.
On le constate dans la photo ci-contre où le seul responsable politique à n'en point porter est aussi la seule femme : l'attribut est masculin, à 99,99%.
Alors mon hypothèse est la suivante : au moins à l'origine, porter cet objet, mal commode pour toute activité manuelle, et même éventuellement dangereux (sans parler de son interdiction à ceux qui utilisent des machines), c'était marquer très fortement qu'on n'était pas un ouvrier : le col blanc s'entourait de soie pour bien montrer qu'il n'était pas bleu... Je crains que cette motivation profonde, du haut en bas de l'échelle sociale, n'ait pas disparu.
Désolant...
PS. On s'étonnera, pour s'en féliciter, mais sans trop d'illusion, de l'absence de cravates publicitaires...
Un ami italien m'apprend ceci :
Dans le cadre des mesures d'économie d'énergie, deux entreprises l'ENI (Italie) et Indesa (Espagne) ont décidé d'abolir le port de la cravate ! Source : Il sole 24 Ore, très sérieux journal économique italien. Apparemment, c'est aussi le cas au Japon, comme on le voit ici.
Le PDG de France-Télévision
En cravate, les maris des dames de l'humeur précédente...
Lichtenstein
Mesdames G8
5 sept. 2006 Ça m'effondre
Quelle image caricaturale que ces photos qu'on nous a montrées dans les médias en juillet dernier, et qui présentaient les épouses des participants au G8, vêtues presque du même tailleur, portant plus ou moins le même sac à main, toutes posant avec un sourire vide, l'air de se demander : "Mais qu'est-ce que je fous là ?".
Et que faisaient-elles là, effectivement ? Assister à une "table-ronde" sur l'éducation, écouter un concert donné par des enfants, visiter des jardins, un palais, une exposition d'artisanat, etc., nous dit le site officiel de l'Élysée, activités considérées comme "féminines", sans doute.
Et de quel droit étaient-elles là, d'ailleurs ? Nul ne le sait. Par qui ont-elles été élues ? Par personne. Quel rôle jouent-elles ? Aucun, vraisemblablement, sauf celui d'êtres les potiches de service.
La meilleure preuve, c'est que, sur cette photo, il en manque une. Ou plutôt un : où est donc le conjoint d'Angela Merkel ? Ah, oui, c'est un homme, lui, pardon. Il a mieux à faire. Soyons sérieux.