Humeurs 2011-2013...

Et voici la saison 2011 de mes humeurs, la sixième, ça se confirme de plus en plus, le temps passe vraiment, tellement d'ailleurs que cette saison est devenue 2011-12, puis 2011-13 !
Je continue à m'y laisser aller au plaisir de lancer des bouteilles à la mer en parlant de diverses choses : des qui m'agacent, des qui m'épatent, des qui m'remuent, qui m'intriguent, me terrifient, m'enchantent, m'énervent ou me font poiler. Et, comme par le passé, je me laisse la liberté d'en rajouter de temps en temps, sur telle ou telle humeur passée, la chose étant signalé par un "MàJ" daté dans la marge...

Les précédents de la saison en cours :
25 mars 2013 : Musiques(s) ?.
20 novembre 2012 : Joseph.
13 août 2012dd : Gaucher.
07 juillet 2012 : Changement de paradigme ?.
14 juin 2012 : Hymnes1.
20 mai 2012 : Scientifica. (Mise à jour 14 juin)
08 août 2011 : Pauvre Goldbach.
30 juin 2011 : Grande distribution.
29 avril 2011 : Charcutage électoral.
18 avril 2011 : Mécanismes extraordinaires.
5 avril 2011 : Des cartes pour tout.
18 mars 2011 : Fission-fusion.
08 février 2011 : Le sexe faible ! (Mise à jour 18 fév., 25 fév., 2 mars).

- Les humeurs de l'année dernière... (2009-2010)
- Les humeurs de l'année précédente... (2008-2009)
- Les humeurs de la troisième année (2007-2008)
- Les humeurs de la deuxième année(2006-2007)
- Les humeurs de la première année(2005-2006)

Musiques(s) ?

25 mars 2013
Ça m'épate

Le Landerneau de la musique dite "classique" bruit de mille échos : le compositeur Jérôme Ducros a donné, le 20 décembre 2012, au Collège de France, une conférence intitulée "L'Atonalisme, et après ?". (Les liens pour les versions vidéo et audio se trouvent ici. On lira aussi avec intérêt le texte d'un article publié par JD dans la revue Commentaire (129), printemps 2010, p. 165-174).

Dans cette conférence, comme dans son article, Ducros essaie de montrer que l'atonalisme a monopolisé l'enseignement, les subsides et la programmation de la "musique contemporaine" en France. Je ne discuterai pas les arguments qu'il avance, n'étant pas vraiment compétent, et prendrai cum grano salis les nombreux exemples musicaux qu'il décortique au piano, avec un peu de mauvaise foi, en m'amusant beaucoup de leur logique, comme celui où il barde une brève pièce "contemporaine" de fausses notes qui, évidemment, ne sont remarquées par personne.

Mais là n'est pas l'objet principal de ce billet. En effet, ce qui m'ennuie, dans ce texte, c'est l'espèce de monopolisation que Ducros fait de la musique dite savante, celle des conservatoires, des concerts classiques, des concours internationaux. Il a beau admettre en passant, en fin de conférence, que la "musique populaire" est pour l'essentiel de la musique tonale ("Dans le monde tonal (d'avant la scission), la musique savante et la musique populaire parlent la même langue"), il ne s'aventure jamais vraiment en-dehors de son pré carré, celui de ce que j'appellerais la "musique institutionnelle". Quant il décrit une musique "moderne", "d'aujourd'hui", "du XXe (et XXIe) siècle", "nouvelle", comme étant écoutée seulement par une minorité, "imposée" dans les concours, ignorée du grand public, c'est d'une seule catégorie de musique qu'il parle, la musique "savante".

En l'espèce, il fonctionne comme tous ses collègues. Comme ce Dictionnaire usuel de la musique (Bordas, ed. 1995), de Marc Honneger, que je retrouve en fouillant dans ma bibliothèque, et dont le titre, trompeur, cache le fait qu'on n'y trouvera que de la musique dite "classique", éliminant tous les autres domaines de la musique universelle, en plus du fait qu'il traite non pas de la musique, comme l'indique faussement son titre (oeuvres, instruments, genres, etc.) mais seulement des "musiciens" (et encore, essentiellement compositeurs, avec quelques interprètes et théoriciens) ; comme le Guide de la Musique : Une initiation par les œuvres, de Gérard Denizeau (Larousse, 2005), qui ne consacre au Jazz qu'un encadré d'une demi-page, ce qui permet de retrouver Duke Ellington dans l'index ! Comme le récent Dictionnaire amoureux de la musique (Plon, 2012), pas si "amoureux" que ça puisque, de cette musique chérie, André Tubeuf élimine la plus grande partie ! Comme enfin (mais on pourrait multiplier les exemples) la somme d'Alex Ross The rest is noise. A l'écoute du XXe siècle. La modernité en musique qui ne sort pas du pré carré et qui, tout en s'en défendant, ne peut s'empêcher de lier modernité et disparition de la tonalité.
Mais l'ostracisme fonctionne aussi dans l'autre sens : la chaîne télé MCM, dite "musicale" sans autre précision, se limite en fait au rock et à la pop, ainsi qu'à leurs cousines.

Ducros nous dit qu'on fredonnait les Noces de Mozart dans la rue, mais qu'on n'y fredonne plus Lulu de Berg ; certes, mais la comparaison ne tient pas. En termes de perception et réception par la public, l'équivalent des opéras du 18e s., ce n'est pas l'opéra du XX° mais la comédie musicale ou la musique de film qui, elles, sont souvent fredonnées par tout un chacun. La musique d'église était fondamentale au XVIIe siècle, elle est réduite à rien de nos jours. Et quand JD dit que toute la musique dite "contemporaine" est atonale, il oublie des tas de pans de la musique "de notre temps". Deux exemples parmi beaucoup d'autres : la musique de film, déjà citée, caractérisée par son champ d'activité, indépendamment de son contenu, infiniment variable ; et le jazz.

Ce dernier marque pour moi une rupture essentielle : pour la première fois depuis des siècles, on n'a plus affaire à une musique de compositeurs, mais à une musique d'interprètes.Son développement n'a été possible que grâce au développement des techniques d'enregistrement sonore, sans lesquels il n'aurait évidemment ni le même statut, ni la même nature. Mais, pour l'essentiel, il s'agit d'une musique à fondement tonal, qui n'est pourtant pas, loin s'en faut, le résultat d'un "retour à"...
Or, pour en revenir à lui, l'ouvrage d'Alex Ross n'évoque le jazz que dans ses relations, et ses influences réciproques, avec la musique "officielle", en manifestant d'ailleurs une assez grand ignorance de la chose, puisque confondant par exemple allègrement le Ko-ko, d'Ellington (1940) extrême sophistication du blues, avec le Koko (1945) de Parker, hallucinante improvisation sur un standard (Cherokee).


Première page de la Suite Lyrique pour quatuor à cordes d'Alban Berg (1925-26)
MàJ 15 juillet
On ne trouvera pas dans Les grands chanteurs du XXe siècle de Richard Martet, sorti fin 2012 chez Buchet-Chastel, les noms d'Elvis Presley, de Ray Charles, de Carlos Gardel, de Charles Trenet, de Frank Sinatra, pourtant tous chanteurs, et tous du XXe siècle.
Il y a là comme une sorte de tromperie sur la marchandise, sans doute involontaire, mais appuyée sur cette arrogance selon laquelle il n'y a pour certains de musique (et donc de chanteurs) que classique, et en l'occurrence, que lyrique.

MàJ 11 juin 2016
Tiens, fait exception à cet impérialisme exaspérant le très remarquable ouvrage de Francis Wolff Pourquoi la musique ?, Fayard, 2015, qui est tout à fait passionnant.

Joseph


20 novembre 2012
Ça m'intrigue

Une fois n'est pas coutume, et pour revenir à un des mes sujets préférés, je vais parler ici d'une Annonciation, mais en l'occurrence, d'une seule.
Je l'ai trouvée en relisant l'ouvrage de Daniel Arrasse, déjà cité ici maintes fois, L'Annonciation italienne : Une histoire de perspective. Je ne l'avais pas remarqué à première vision, mais le tableau du Tintoret (1582-87, huile sur toile, 422 x 545 cm) conservé à la Scuola Grande di San Rocco à Venise, reproduit page 338 de l'ouvrage, présente une caractéristique que je crois unique dans l'ensemble du corpus de ce thème, au moins entre le 13e et le 16e siècle.

La mise en scène est assez compliquée avec, au tiers gauche, cette colonne à moitié cassée sur un pilier de briques décrépit, qui marque un des côtés d'une ouverture par laquelle s'engouffre, accompagnant Gabriel, une véritable escadrille d'angelots. La pièce ne paraît pas non plus dans le meilleur état, avec cette petite chaise au cannage défait, bien qu'on aperçoive vaguement un plafond à caisson au statut assez peu conforme à celui du reste de l'édifice, mais qui permet de marquer une vision perspective que l'on retrouve, plus visible, sur les carreaux du pavement.
Les attributs sont presque tous là, l'ange tient un bouquet de lis dans la pénombre, la colombe vole au contraire fort lumineusement, devant le lit, doté d'un triple matelas et d'un baldaquin orné ; et sur les genoux d'une Marie un peu hommasse, et l'air passablement stupéfait, un tout petit livre, ouvert...

Mais ce qui motive ma fascination, c'est cette partie plus obscure à gauche du pilier, dont le sujet a l'air assez confus : au premier plan, des madriers, des planches, des outils, jetés au sol, appuyés contre les murs ou même accrochés ; un peu plus loin, dans une semi-obscurité, un établi au dessus duquel est penché un personnage maniant un instrument pas très visible, mais qui ressemble à une de ces grandes scies anciennes à armature de bois où l'on peut resserrer une corde par torsion ce qui permet de tendre la lame en la rigidifiant.

Qui est donc ce personnage en plein travail ? Qui peut-il être, sinon le grand absent des Annonciations, celui qui laisse sa place, le "père adoptif" suivant une dénomination à mon sens fort abusive, le saint patron des cocus selons certains autres, moins respectueux ? Qui peut-il être sinon... Joseph !
Ce serait donc le seul exemple de présence, dans un tableau représentant l'Annonciation, de l'époux de Marie.



Dans mon premier billet sur les Annonciations (ici), j'écrivais :
Tout ça m'a d'ailleurs inspiré le texte d'une courte nouvelle de science-fiction, "Le Facteur", publiée dans le numéro 155 de la revue québécoise Solaris, l'été 2005.
Il y a prescription, et je peux maintenant mettre en ligne cette nouvelle, un peu goguenarde, mais aussi attendrie.
Il est à noter qu'il y est fait à peine allusion à la figure de Joseph...

MàJ 12 octobre 2018
Bien plus tard, j'ai trouvé une autre représentation de Joseph, tout à fait spectaculaire, dans un retable de Robert Campin.

Gauchers-droitiers

13 août 2012
Ça m'intrigue

Quand j'étais adolescent, membre comme beaucoup d'un groupe de rock, j'avais un camarade musicien qui était gaucher.

Ce n'est pas étonnant, les gauchers représentent, paraît-il, plus de 10% de la population. Sans doute faute de moyens, mon copain jouait à l'envers, mais sur une guitare normale, celle de tout le monde, et nous pouvions donc lui prêter les nôtres.

C'est aussi le cas d'Otis Rush. Mark Knopfler, lui, joue tout à fait normalement, alors que Jimi Hendrix utilisait une guitare habituelle, à l'envers, et en inversant les cordes. Il existe enfin, on le sait, des guitares de gaucher, plus difficiles à trouver (et plus chères), celles que l'on voit par exemple entre les mains de Kurt Cobain ou, pour la basse, de Paul McCartney. Ne voyant cité aucun cas de guitariste classique, j'imagine qu'ils évacuent le problème.

On a d'ailleurs l'impression que la question ne se pose, parmi les instrumentistes, que pour les guitaristes. La plupart des violonistes (et altistes, violoncellistes, etc.) jouent tous "en droitiers". D'ailleurs, en orchestre, pour de simples raisons de place (pour l'archet), la cohabitation serait difficile ! Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de flûtistes, clarinettistes, saxophonistes utilisant des instruments spécifiques. Et je ne crois pas me tromper en disant que la trompette est un instrument symétrique, qui peut être joué indifféremment par un droitier ou un gaucher...

Et puis je me pose la question : la guitare, comme le violon, sont des instruments asymétriques : une main s'occupe de la hauteur du son en utilisant les doigts sur une touche ; l'autre produit le son soit en maniant un archet, soit à l'aide des doigts (munis éventuellement d'un médiator). Les deux opérations sont fort complexes, et demandent autant de difficultés à chacune des deux mains, quelle que soit leur inégalité structurelle. L'essentiel, me semble-t-il réside plus dans la coordination des deux opérations que dans la difficulté éventuellement inégale de chacune d'entre elles. Alors, pourquoi ce problème ?

Et je rêve d'un piano pour gaucher !


Changement de paradigme ?

07 juillet 2012
Ça m'interpelle

Le site Futura-sciences publie ici une nouvelle qui m'a beaucoup intéressé.
Je résume : les supports d'archivage numériques actuels, malgré toutes leurs qualités de capacité, de fiabilité, de bas coût et de facilité d'utilisation, présentent un inconvénient majeur : ils ne sont pas pérennes. On évalue la limite d'utilisation de ces supports à une durée comprise entre 5 et 20 ans, selon le support utilisé et les conditions de conservation.
Qui plus est, les matériels et les technologies mis en oeuvre pour exploiter ces supports sont rapidement obsolètes. J'ai chez moi un objet particulièrement décoratif, qui est un disque amovible d'ordinateur CII Iris 80 dans sa boîte en plastique bleuté, qui date du milieu des années soixante-dix (voir ci-contre). Il mesure près de 36 cm de diamètre, 13 centimètres de haut et pèse 6,5 kilos. Sa capacité est de... 25 Mo ! Celle de ma minuscule clé USB lui est 2 500 fois supérieure !
Mais mon énorme disque est totalement inutile : il n'existe plus, à ma connaissance, de lecteur capable, physiquement, de le lire. Et même si c'était le cas, le codage des informations qu'il contient aurait de fortes chances d'être inutilisable par un ordinateur contemporain. Or il n'a guère plus de trente ans. Qui me dit qu'il existera dans 15 ou 20 ans des capacités, matérielles ou logicielles, d'exploiter ma clé USB, tant matériellement que du point de vue du format des données qu'elle contient ? Sans parler de mes CD de sauvegarde...
Chacun a pu être confonté à l'exploitation d'un fichier dans un format ancien (Futura-sciences cite Word 1), le plus souvent impossible... Voir à ce sujet l'amusante et intéressante rubrique "La chambre des horreurs" en bas de cette forte intéressante page, même si elle date un peu.
Or on a un besoin vital d'archives exploitables à long terme, en particulier techniques (je pense en particulier au nucléaire), mais aussi administratives ou financières.

L'article de FS est consacré à une technique proposée par une PME grenobloise, Arnano. Je passe sur la solution technique utilisée par cette société, qui fabrique en fait des sortes de super micro-fiches gravées sur un disque de saphir, quasiment inaltérable.

Mais ce qui est particulièrement intéressant, c'est que les données stockées sur ce support ne sont pas numérisées. Elle sont archivées sous forme d'images réelles, qu'elle soient composées de texte ou de photos. Il s'agit donc de données sous forme analogique. L'instrument utilisé pour leur lecture sera tout bêtement... l'oeil. Aidé par un microscope évidemment, car elles sont considérablement réduites, mais sans utilisation de matériel spécialisé, et surtout sans nécessité de décodage. Du coup, elles ne sont pas dépendantes d'une technologie ou d'un logiciel précis, et donc, en plus d'être inaltérables, indémodables.
C'est ce changement de paradigme qui me frappe... Depuis des années, on a été habitué à la numérisation successive, à un traitement analytique, de tout un tas de données auparavant traités synthétiquement : des vinyles au CD, de la pellicule photo ou cinéma aux cartes mémoire, des ondes hertziennes modulées à la TNT...
Retour en arrière, ou nouveau départ ?

Photo JJR

Hymnes

14 juin 2012
Ça m'amuse

On a beaucoup glosé sur les paroles des hymnes nationaux, leur caractère plus ou moins humaniste, guerrier ou universel. On a moins parlé des musiques... Or la diversité n'y est pas moindre, et les comparaisons peuvent être intéressantes.

Commençons par la Marseillaise : le caractère martial de son texte de se retrouve dans sa musique, une marche en notes pointées répétées, qui commence à la dominante inférieure, suivie par trois nets paliers ascendants qui la mène jusqu'à la dominante supérieure, avant deux tierces descendantes bien marquées. La mélodie continue sur ce ton, avant deux arpèges descendants. Intervient ensuite un épisode plus dissonnant, se terminant en mineur. Le refrain, éclatant ("Marchons...") conclut le tout de manière martiale.
Je ne vous la fait pas écouter, vous la connaissez par coeur...

L'hymne britannique (God save the...), au contraire, ne monte que d'un ton, puis descend avant de remonter vers la sous-dominante pour revenir à la tonique, sur un ambitus assez étroit (au total une septième), en notes régulières où la première noire pointée (il n'y en aura que cinq en tout) n'intervient qu'à la deuxième mesure. Notons qu'il est particulièrement bref.
Même cette version dotée d'une reprise fait moins d'une minute...

Le chant national italien, Fratelli d'Italia (composé par un génois, Michele Novaro en 1847) présente la caractéristique de commencer par une introduction orchestrale très martiale, en notes répétées... Il enchaîne ensuite sur une mélodie qui démarre elle aussi de la dominante inférieure, hésite sur un ton montant, puis grimpe à la tierce majeure, à la sous-dominante et enfin à la dominante, le tout en notes pointées, mais très "bel canto". Ce n'est cependant pas fini : on passe à la sous-dominante pour une autre mélodie, toujours en notes pointées qui, après un passage au relatif mineur, termine l'hymne... Écoutez cette version...

L'hymne des États-Unis (The Star-Spangled Banner) présente la caractéristique assez originale de commencer par une descente en arpège de la dominante à la tonique avant de remonter de la même manière jusqu'à l'octave supérieure. Un couplet répété, un passage dolce, puis une transition qui amène à une coda terminale. Écoutez !

L'hymne allemand (Deutschlandlied), lui, est un des rares à avoir été composé par un grand musicien, en l'occurrence Joseph Haydn. En fait il s'agit de la reprise d'un mouvement de quatuor à cordes (2ème mouvement du Quatuor Op.76 n°3), utilisé comme chant d'anniversaire pour l'empereur d'Autriche François II. Trois notes montantes, descente d'un ton, et redescente vers la tonique, puis descente à partir de la sixte supérieure sur l'accord de dominante ; deux autres descentes avant la coda... Écoutez !

La Brabançonne, hymne du royaume de Belgique, présente l'originalité de commencer également par un intervalle descendant, mais seulement sur deux notes, et d'une tierce, et fort énergique. Cette mélodie est reprise avec une harmonisation différente. Une passage modulant sert de pont, avant l'arrivée d'une autre mélodie et une coda. Écoutez !

Pour des raisons toutes personnelles, je connais depuis longtemps l'hymne du Royaume du Maroc, dit Hymne chérifien. Si le texte en a été écrit après l'indépendance par Ali Squalli Houssaini, la musique en est de Léo Morgan, composée sous le Protectorat à l'instigation du Résident Lyautey. Son originalité, c'est qu'elle est en mode mineur, et qu'elle commence sur le quatrième degré, par une montée vers la tonique, puis une redescente vers la tonique à l'octave inférieure. La mélodie continue à moduler en mineur, avant un bref passage en majeur, et une coda énergique. Une influence orientale y est perceptible, mais à peine. Voici la version chorale diffusée par le site du Ministère des Affaires étrangères.

J'espère commenter prochainement la musique d'autres hymnes nationaux.

Droits réservés

Scientifica

25 mai 2012
Ça m'énerve

Une légende prétend qu'Albert Einstein enfant ne s'est mis à parler que très tard. Interrogé alors sur ce mutisme obstiné, il aurait répondu : "C'est que je n'avais rien d'intéressant à dire". C'est un peu l'explication que je donnerais de mon silence sur ce site depuis maintenant neuf mois... J'avais l'impression que les sujets que j'avais évoqués depuis 2005 avaient épuisé mes capacités d'admiration, d'étonnement, d'hilarité, d'agacement ou d'indignation. Des brouillons de billets encombraient mes fichiers, mais ils restaient inachevés... Mes lecteurs qui incrimineraient ma paresse ou une forte tendance à la procrastination n'auraient pas complètement tort.

Un minimum de motivation me revient quand même de temps en temps, et peut-être vais-je terminer certains de ces brouillons. Cela dit, ce billet-ci est tout à fait récent et spontané. Il est issu de l'énervement qui m'a pris à la lecture d'un pourtant somptueux ouvrage que j'ai acquis pas plus tard que la semaine dernière, conquis par la splendeur de ses illustrations et l'ampleur de son sujet (j'ajoute que compte tenu de son poids et de son luxe, un prix aussi modique que 19,99 euros n'a pas été pour rien dans cette acquisition !) Il s'agit de Scientifica, Le guide universel du monde de la science - Mathématiques, physique, astronomie, biologie, chimie, géologie, médecine (1).

Pourquoi donc mon énervement ? Parce qu'à côté d'images de toute beauté on trouve un texte plein d'approximations, d'illogismes, d'imprécisions, d'absurdités, d'impropriétés orthographiques ou typographiques, parfois même d'erreurs.

Petit florilège sélectif :
À propos d'une graminée : "L'Eulalie a été testé (sic) à la production de bio-carburant." (p. 179).
"Associer des événements requiert une variation dans l'arithmétique utilisée pour évaluer une probabilité." (p. 126).
"La réciproque d'un théorème présume le résultat du théorème original pour qualifier son hypothèse, bien que toutes les réciproques ne soient pas vraies." (p. 98).
À propos de la relativité restreinte : "Souvenez-vous : vitesse=lumière/temps." (p. 70).
"Le chiffre 2 multiplié sept fois par lui-même peut s'écrire 28." Il s'agit évidemment de 28. (p. 104)
Le glossaire en fin d'ouvrage nous apprend qu'un lac de caldera est un "lac formé dans une caldera". (p. 483). Le dit glossaire est une mine d'erreurs et d'approximations : il définit une "raie d'absorption" comme "une ligne sombre ou lumineuse dans un spectre" (p. 493), alors que la ligne lumineuse est une raie d'émission ; le "principe de relativité" indique que "des observateurs possèdent une accélération relative les uns par rapports aux autres" (p. 493). On trouve dans la chronologie qui précède (p. 453) le fait que les Éléments d'Euclide sont un traité de géométrie (alors qu'ils traitent aussi largement d'arithmétique).

Cet ouvrage est apparemment d'origine australienne, donc la version originale est en anglais. L'édition française semble avoir été réalisée par une maison allemande, située à Postdam. En tout cas, la traduction est pleine de scories : p. 177 on parle de "sucrose" (terme anglais, utilisé ici pour "saccharose"), il est question des "particularismes" des différents groupes sanguins, des "prédictions" en physique, de "striations" géologiques au lieu de "stries". Les mesures sont données presque systématiquement, dans ce qui est pourtant une version française, à la fois en unités anglo-saxonnes (miles, degrés fahrenheit, etc.) et en unités internationales standard. Le même glossaire donne de "catalyse" une définition qui est mot pour mot celle donnée par la version française de Wikipédia ! (La version anglaise étant sensiblement différente, on peut ici incriminer les traducteurs).

Dommage, parce que les illustrations sont vraiment extraordinaires...
Dommage également, car le champ des connaissances ainsi balayé est considérable...

L'ouvrage est très gros, il n'est pas exclu que j'y trouve encore d'autres perles. Je noterai ici, en mise à jour, les plus belles...


Droits réservés
(1) Ullmann ed., sept. 2010, 512 p., relié, 3,1 kg !
MàJ 14 juin
Quelques autres bourdes, prises au hasard...
- "L'uranium est un des éléments les plus lourds, constitué de plus d'électrons que de simples atomes" (p. 191).
- "Près d'un siècle plus tard, la question de l'hérédité atteint son paroxysme avec le démélage (sic) de l'architecture de l'ADN" (p. 256).
- "Mal soigné, le diabète peut provoquer, entre autres, faiblesse ou fatigue excessive" (Glossaire, p. 474). Voilà ce qu'on appelle un euphémisme ; j'apprécie beaucoup le "entre autres" !
- "... une énorme boule de plasma — un gaz électriquement chargé" (p. 228). Le plasma est le quatrième état de la matière et, précisément, n'est pas un gaz !
- "Dans certaines régions du système solaire, les objets se déplacent à des vitesses trop relatives pour s'agglomérer et tendent à s'écraser les uns contre les autres, en formant des fragments." (p. 222).


Pauvre Goldbach !

8 août 2011
Ça m'agace

Parmi les grands problèmes mathématiques non résolus figure ce qu'on appelle la "Conjecture de Goldbach". En plus d'être très célèbre, absolument simplissime à exposer et toujours non démontrée après presque trois siècles, elle présente la caractéristique étonnante de souffrir mille avanies de la part de l'édition française, surtout quand il s'agit de traductions. Ce sera notre petit devoir de vacances...

Rappelons-en d'abord l'énoncé :
"Tout nombre pair supérieur à 2 est la somme de deux nombres premiers".
Ça a l'air bête, comme ça, et on n'a jamais trouvé de contre-exemple, mais de là à le démontrer... Pour l'anecdote, il faut signaler que le dit Christian Goldbach s'est contenté de signaler, sous une forme un peu différente, cette hypothèse à Leonard Euler en 1742, sans proposer de piste de démonstration éventuelle. Il est en quelque sorte à Euler ce que Goldberg était à Bach !
Notons également que la conjecture fait partie des problèmes proposés par David Hilbert à la conférence de Paris de 1900.

Le roman d'Apostolos Doxiadis, Oncle Petros et la conjecture de Goldbach, dans sa première édition française chez Christian Bourgois (2000) donnait, page 49, la note suivante :
"Tout nombre impair est la somme de deux nombres premiers"
Tout nombre premier (sauf 2) étant impair, la somme de deux nombres premiers ne peut pas, sauf cette exception, être impaire. Mais manifestement, il s'agit là d'une coquille : dans l'exemplaire dont je dispose, les lettres "im" de "impair" ont été oblitérées au stylo-bille (mais pas assez efficacement pour qu'on ne les devine pas). Dans l'édition en poche que j'ai consultée, la phrase est corrigée. J'ajoute que, dans la même note, on trouve également :
"2 est le seul nombre entier pair"
ce qui est assez cocasse ! Il est évidemment question de nombre premier pair.
Je n'ai pas eu accès à la version originale (en anglais, traduite du grec par l'auteur). J'ajoute que la traduction française issue de l'anglais est... anonyme ! Ceci explique peut-être pourquoi on nous parle du "Théorème de l'incomplétude" de Gödel, des nombres premiers comme étant "les intégrales qui n'ont d'autre diviseur que 1 et eux-mêmes" (p. 85), et même de la "finitude des nombres premiers", soi-disant démontrée par Euclide (id.)

Je n'aurais pas signalé ces erreurs, dans un ouvrage par ailleurs très bien mené, et très clair sur le plan mathématique, si je n'étais pas tombé sur une autre bourde, dans un autre livre, de vulgarisation celui-là, traitant de la conjecture de Poincaré (George G. Szpiro, Seuil, Points sciences, traduction Bernard Sigaud). On y trouve, page 383, et toujours en note, une savoureuse phrase à propos de la même conjecture de Goldbach :
"Tout nombre pair peut s'exprimer sous forme de la somme de deux nombres impairs"
Ce qui est parfaitement exact, et parfaitement trivial...

J'ai eu l'occasion de lire pas mal de livres de vulgarisation scientifique traduits de l'anglo-américain : c'est fou ce qu'on y trouve non seulement comme anglicismes et traductions littérales maladroites (au point qu'il faut parfois deviner ce dont il s'agit) mais, beaucoup plus souvent qu'on ne croit, et chez des maisons apparemment sérieuses, des bévues comme celles-ci.




MàJ 9 août
Décidément, ce pauvre Goldbach est vraiment maudit ! Dans le titre du fil RSS qui concerne ce billet, j'ai écrit hier, malencontreusement : "Goldbash" !

Grande distribution

30 juin 2011
Ça m'énerve

Le Point de la semaine dernière étalait sa couverture en grand format sur tous les kiosques de presse. On la voit ci-contre.

Surtitré "Enquête sur un mal français" (le "mal français" est une spécialité de la presse magazine, quel qu'en soit le sujet), le dossier portait sur "Le racket des grandes surfaces". De quoi s'agissait-il ? Je ne sais, n'en ayant rien lu. Je ne peux me fier qu'aux sous-titres, détaillant sans doute les grands axes du contenu :
- Producteurs étranglés
- Consommateurs manipulés
J'ajoute que j'ai pu en visualiser rapidement le sommaire, et qu'il n'était en effet pas question d'autre chose.
Ayant plus ou moins suivi l'actualité de ces dernières semaines, j'ai écarquillé les yeux, à la rechercher d'un troisième volet. J'avais en effet en mémoire des grèves des employé(e)s de Carrefour en avril, en mai et plus récemment donc, en juin. Il me semblait donc qu'il manquait une troisième rubrique :
"Salariés exploités !"
Eh bien non...

Quelle ne fut pas ma surprise en ouvrant Le Monde d'aujourd'hui 30 juin et d'y découvrir en page 2 le dessin, maintenant habituel, de Xavier Gorce, dans la série "Les indégivrables". En voici le dialogue, en quatre cases :
La Grande Distribution ! Ça, c'était les mots géniaux à trouver !
Alors qu'on ne distribue rien :
On rackette le fournisseur et on entube le client !
Ah si, j'exagère : on distribue pas mal de dividendes.
Vous aurez remarqué, comme moi, la même absence...



Charcutage électoral

29 avril 2011
Ça m'épate
Puisqu'il était question de cartes dans une récente humeur, en voici d'autres, très politiques celles-là...

De quoi s'agit-il ? De circonscriptions électorales aux États-Unis.
Chacune de ces circonscriptions envoie un député à la Chambre des représentants. Elles sont donc supposées être le reflet plus ou moins fidèle de la répartition de la population. De fait, le minimum est d'un représentant par État, mais le maximum a été fixé, en 1911, à 435 députés pour l'ensemble de l'Union. La Californie dispose ainsi de 53 représentants, le Texas de 35, mais sept petits États d'un seul. Dans ce dernier cas, l'État tout entier constitue une circonscription mais, dans les autres cas, dans les limites d'une population à peu près égale, le découpage obéit à des considérations qui amènent la plupart des circonscriptions à être d'une très grande stabilité politique, au prix d'un découpage savant, visant à l'homogénéité ethnique ou politique.
Ce découpage est revu tous les dix ans, après chaque recensement. Il l'est par les soins de la chambre des représentants de l'État concerné, donc en fait de sa majorité, qui peut alors s'en donner à coeur joie. Ce charcutage est appelé Gerrymandering, jeu de mots à partir du nom du gouverneur du Massachusets en 1812, Elbridge Gerry, qui redessina les districts de son État, un d'entre eux ressemblant à une salamandre...
L'idée est, par exemple, de concentrer dans une seule circonscription tous les électeurs de vos adversaires, circonscription où ils obtiendront une énorme majorité des voix, mais un seul représentant, et de vous réserver plusieurs autres circonscriptions, où vous n'aurez qu'une faible majorité, mais autant de députés. On peut tout à fait avec ce système représenter un État par une majorité de députés représentant une minorité d'électeurs...

Et voici quelques exemples du résultat :

12e circonscription de Caroline du Nord :

20e circonscription de Floride :

4e circonscription de l'Illinois :

3e circonscription du Maryland :


Étonnant, non ? Le dernier recensement ayant eu lieu en 2010, le redécoupage va bientôt être mis en oeuvre, par des chambres d'États largement dominés par les républicains...
Les exemples ci-dessus sont tirés d'un blog appelé zombie, hébergé par pajamasmedia (et apparemment pas très marqué à gauche). J'en avais vu d'autres exemples dans une revue dont j'étais persuadé qu'il s'agit de l'excellent magazine Carto. Or je ne les y pas retrouvés...

MàJ 4 janvier 2013
De sous une couche particulièrement épaisse de documents divers m'est remonté la source de ces autres exemples. Il s'agit de l'Atlas des atlas : le monde vu d'ailleurs, de Courrier International, édité chez Arthaud en 2008, en l'occurrence pages 60 et 61. On y retrouve entre autres l'exemple de l'Illinois ci-dessus.


Mécanismes extraordinaires

18 avril 2011
Ça m'émerveille

Le Monde fait paraître régulièrement un supplément "spécial Montres" exclusivement consacré à des montres de très grand luxe. Celles-ci sont mécaniques, à remontage manuel ou, le plus souvent, "automatiques".
Le dernier paru (14 avril) m'a donné envie d'en savoir un peu plus sur les éléments techniques (échappement, ancre, calibre, tourbillon, etc.) qu'il évoquait. J'ai donc un peu farfouillé sur le net et je suis tombé très vite sur un site absolument extraordinaire, celui de l'horlogerie suisse, ici.
Ce site est destiné, me semble-t-il, à des amateurs particulièrement passionnés et peut-être surtout à des professionnels. La page d'accueil nous dit qu'il "a été fondé en 2001 par Éric Cosandey, horloger rhabilleur et enseignant à l'école d'horlogerie de Genève." Il présente un grand nombre de rubriques que je vous conseille d'aller parcourir. Mais celles qui m'ont le plus émerveillé sont celles regroupées sous le chapitre "technique".

Elles fourmillent d'explications sur les différents organes de ces montres, en particulier celles dites "à complications". Elles sont surtout dotées d'illustrations à la fois extraordinairement précises, claires et... élégantes. On en trouvera quelques exemples ci-dessous.

Ce qui est étonnant, c'est qu'il s'agit là d'instruments poussés à un point inimaginable de méticulosité, de précision, de raffinement, en un mot de virtuosité. J'imagine que les derniers progrès des techniques modernes sont utilisés, ainsi que certains matériaux d'utilisation très récente, mais le principe même de fonctionnement de ces mécanismes est loin d'être nouveau, et la nature même des objets élaborés laisse toujours le dernier mot à la main de l'ouvrier, qui élabore et assemble ainsi entre 150 et 900 éléments.

Je dois à la vérité de dire que même si je trouve ces objets techniquement stupéfiants, je les trouve aussi généralement, une fois terminés, très laids, au moins à travers les pages du Monde qui en présente un large échantillonnage... Leur contenu me fascine en fait beaucoup plus que leur contenant...

Terminologie des rouages :


Source : Horlogerie-suisse.com
Echappement coaxial :

Source : Omega
Masse du remontage automatique :


Source : Horlogerie-suisse.com

Des cartes sur tout

5 avril 2011
Ça m'amuse
On l'aura compris, j'aime les cartes. Alors, je le signale dans la rubrique liens, mais je ne peux m'empêcher de développer un peu plus ici les caractéristiques de cet irrésistible site. Il s'agit de Strange Maps, cartographic curiosities, un blog, en fait, rédigé par un dénommé Frank Jacobs, et géré par un site coopératif nommé Big Think dont, par ailleurs, j'ignore tout.

Strange maps, comme son nom l'indique, répertorie depuis septembre 2006 des cartes qui, d'une manière ou d'une autre, présentent telle ou telle caractéristique étrange, originale, absurde, amusante, utopique, instructive, inattendue, imaginaire, poétique, futile ou cocasse.

L'exemple que j'ai choisi de développer, ci-contre, n°210, et qui m'a décidé à en faire un billet, est significatif : il s'agit de cartographier sur le territoire français métropolitain, et en répartissant les données par département, le nombre de bises que se font les gens quand ils se rencontrent, de 1 (Landes ou Bas-Rhin, par exemple) à 4 (Vendée ou Ardennes) ou 5 (aucun département en majorité). La carte originale figure sur un site au nom très explicite http://combiendebises.free.fr/, inventé par un dénommé Gilles Debunne. Allez-y voir, vous trouverez la même carte, mais active, avec pour chaque département la répartition en pourcentage des mono-, bi-, tri-, quadri- et quinqua-biseurs. Le site d'origine est interactif, et la carte constituée donc à partir des réponses des visiteurs.

Mais ceci n'est qu'un exemple. Les cartes présentées par Strange maps (il y en a plus de 500, et ça continue) concernent la planète entière, mappemondes diverses comprises, avec une focalisation sur la Grande-Bretagne et surtout les États-Unis. En voici, ci-dessous, quelques-unes, prises parmi le demi-millier d'exemples...

1. Conception texane des USA (n° 172)
2. Le monde selon 1984 d'Orwell (n° 66)
3. Couverture d'un ouvrage de Jorge Volpi sur l'Amérique latine (n° 455)
4. Le tigre coréen (n° 452)
5. Gandhi en forme d'Inde (n° 361)
6. États-Unis, chaque état occupant une surface proportionnelle au nombre de dépêches qui en sont issues (n° 266).
7. Les promenades lunaires d'Armstrong et Aldrin, en juillet 69, sur l'équivalent d'un terrain de football (n° 260)

Carte des bises
Source : Gilles Debunne
 




Et il y en a bien d'autres : un plan de Berlin sur un globe (485) ; comparaisons en image de la taille de l'Australie avec d'autres pays (439) ; progression vers le Nord de la floraison des cerisiers japonais au printemps (371) ; localisation des provinciaux à Paris (360) ; un plan de Leyden à la Mondrian (347) ; le royaume oublié de Patagonie-Araucanie (321) ; une mappemonde du début du XXe siècle montrant les régions où est supposé se pratiquer le cannibalisme (299) ; une carte montrant l'assèchement partiel de la Méditerranée (287) ; une vue "aérienne" de l'appartement du 221B Baker Street (281) ; une carte de la mer de méthane sur Titan (259) ; la frontière entre les USA et le Mexique après que le rio Grande ait modifié son cours (252) ; la (fausse) carte du projet d'invasion de l'Amérique du Sud par Hitler (250) ; une carte du monde dessinée uniquement à l'aide de portées musicales (247) ; évidemment la Carte du Tendre (245) ; une carte (214) de la répartition des couleurs de cheveux en Europe, plus précisément du pourcentage de blond(e)s ; la carte montrant le rétrécissement progressif du territoire Cherokee (206) ; les départements français carrés tous identiques, tels que prévus dans une première version de la départementalisation en 1790 (159) ; une mappemonde inversée où les océans actuels sont des continents, et les continents des océans (148); la carte des célibataires aux USA, les femmes plutôt à l'Est, les hommes à l'ouest (144) ; une carte (140) de la "Grande mer intérieures de l'Australie" ; une carte (110) des enclaves, contre-enclaves et contre-contre-enclaves à la frontière indo-bengladaise ; une coupe de la Terre Creuse (85) ; une carte "générique" (78) où les fleuves s'appellent "Fleuve", les péninsules "Péninsule" et les golfes "Golfe" ; la mappemonde de la conduite à gauche ou à droite (76), ou celle de la répartition du porc d'élevage (58) ; l'état du Maine comme champ d'action des héros de Stephen King (2), sans compter plusieurs "cartographies accidentelles" trouvées dans des nuages, des taches et autres artefacts non provoqués.

Fission-Fusion

18 mars 2011
Ça m'énerve
Décidément, les sciences ne sont pas à l'honneur dans les média. En voici un exemple éclairant, à l'heure où est relancé un vaste débat sur un sujet qui implique de connaître un minimum le sujet dont on parle...

Ayant eu lundi dernier 14 mars la possibilité de regarder la télévision, je suis allé sur France 5 où Yves Calvi proposait dans son émission C dans l'air un débat intitulé "Nucléaire : le tsunami touche la France" et consacré, donc, à l'énergie nucléaire. Étaient invités le physicien Roland Desbordes, président de la Criirad, Francis Sorin, économiste, professionnel du nucléaire, Yann Klinger, spécialiste des séismes au CNRS, et Thierry Charles, ingénieur, spécialiste de la sûreté, tous professionnels compétents.

Je ne vais pas parler ici du fond du débat, dans lequel je n'aurais bien sûr rien à apporter de nouveau. Je ne voudrais que souligner un aspect qui m'a frappé, de plusieurs manières. J'ajoute que pour plus de précaution j'ai été revisionner l'émission sur le site de France 5, ici.

D'abord, Calvi répète qu'un "réacteur a explosé", et le commentateur d'une séquence vidéo déclare : "pourtant, selon l'opérateur japonais, il ne s'agit que d'explosion d'hydrogène, sans gravité". Or c'est le bâtiment extérieur du réacteur qui a explosé, non le réacteur lui-même, et il s'agit effectivement d'une explosion "non nucléaire", liée à l'hydrogène, et dont la gravité intrinsèque est effectivement modérée. La réticence du reporter est donc de trop.

Question de téléspectateur : "Quelle différence entre une bombe atomique, et une centrale nucléaire qui explose ?" De nouveau ce terme d'explosion. Et la réponse de T. Charles est étonnante : "Il est clair qu'une bombe atomique, ça n'a rien à voir avec une centrale nucléaire". Rien à voir ? Si, quand même, un léger détail, le principe physique de base, au moins en ce qui concerne la bombe à fission (on en reparle plus bas) ! Et de poursuivre : "Une arme atomique est un objet qui a été organisé pour produire énormément d'énergie". Parce ce n'est pas le cas d'une centrale ? Bizarre.. .La précision essentielle, à savoir qu'une bombe agit "brutalement, instantanément", contrairement à un réacteur, ne vient qu'in fine. Après, il compare les tailles des deux objets, ce qui paraît plutôt enfantin ! On revient ensuite au risque d'explosion et Calvi d'ajouter : "imaginons qu'on aille effectivement vers la fusion", ce qui n'a pas de rapport.

Mais on arrive à la fin de l'émission et, une grande partie de la discussion ayant en fait porté sur le risque de "fusion" d'un réacteur, Calvi se lance dans la comparaison entre la fusion et la fission. Il dit :
"Généralement on dit que la fission pourrait potentiellement être non dangereuse (...) une solution (...) quasi-idéale. (...) Pourquoi a-t-on réussi à développer un nucléaire de fusion si aisément en moins d'un siècle, et pourquoi, visiblement, a-t-on l'air de marner à un point incroyable pour aller vers la fission ?"
Là, j'en suis resté baba : Yves Calvi organise un débat sur l'énergie nucléaire, débat que, j'imagine, il a préparé soigneusement, et alors, sans sourciller, il confond carrément fusion et fission, sans compter qu'il semble confondre également "fusion nucléaire" et "fusion du coeur". Réponse est apportée à sa question, en termes corrects, par un intervenant, mais sans corriger explicitement la double erreur du journaliste, ce qui fait que celui-ci peut continuer : "La fission génére aussi des déchets".

Son ignorance, coupable à mon sens, est redoublée par le silence de ses interlocuteurs, pourtant moins ignorants que lui : pourquoi ne rectifient-ils pas cette bourde ? Mon hypothèse est qu'ils partent, sans s'en rendre compte, du principe qu'il n'est pas très grave qu'un béotien, un candide, se trompe : pas la peine de rentrer dans ces "détails". Ainsi le mépris manifesté par les "scientifiques" renforce-t-il l'incompétence assumée des "littéraires". C'est d'autant plus grave que le candide en question est un journaliste d'un grand média, dont l'ignorance peut être contagieuse...

Il se trouve que le même jour, une autre émission, Ce soir ou jamais, sur France 3 cette fois-ci, portait sur le même sujet. J'avoue que l'attitude de son animateur, Frédéric Taddeï ne m'a pas parue en général plus pertinente que celle de Calvi. Le seul point positif est qu'il y a été évoqué le fait que la "fusion" éventuelle des réacteurs japonais n'avait rien à voir avec la "fusion" nucléaire. Effectivement, on ferait mieux, dans le premier cas, de parler de "fonte"... Voir .
Photo réacteur
Source : AFP/Tepco/Jiji press

Schéma Réacteur
Source : CEA  

Le sexe faible !

8 février 2011
Ça m'épate
Il y a pas mal d'années que ça me frappe, et les événements récents confirment cette observation ancienne : dans le grand reportage, ce sont les femmes qui sont au front.
Et c'est vrai en particulier dans des régions plutôt explosives...

Une simple énumération récente, au hasard que ce que j'ai écouté ces jours-ci à propos des événements du Caire, suffit à s'en convaincre :

8 février :
- France-Culture : nouvelle manifestation place Tahrir, reportage de Claude Guibal, correspondante de Libération.
7 février :
- France-Info : "Les Egyptiens sont divisés". Reportage au Caire de Géraldine Hallot.
- France-Inter : "Les Frères musulmans acceptent la négociation", reportage de Vanessa Descouraux.
- Antenne 2 : reportage sur la place Tahrir : Dorothée Ollieric.
6 février :
- France-Musique : reportage au Caire de Valérie Crova.
5-6 février : - Article du Monde : "Les insurgés sur la place Tahrir ne désarment pas", Cécile Hennion.

Et on se souvient des reportages de Mémona Hintermann au Moyen-Orient et en Afghanistan pour France 3, d'Isabelle Labeyrie en Haïti. Et on se souvient aussi bien sûr de Florence Aubenas...

Je note d'ailleurs sur le site de "Reporters sans frontières" le 31 décembre 2009 :
Depuis le 11 septembre 2001, 19 journalistes, dont 11 reporters étrangers, ont été tués en Afghanistan. Parmi eux, cinq femmes, dont l'Afghane Zakia Zaki ou la Française Johanne Sutton.
Ce rappel était fait à l'occasion de la mort de la reporter canadienne Michelle Lang, tuée le 30 décembre 2009 par l'explosion d'une bombe en Afghanistan.

Sacrées nanas !

Patricia Allemoniere  
Memona Hintermann
Florence Aubenas
Droits réservés
MàJ 18 février
J'allais oublier Florence Beaugé, qui a couvert le Maghreb pour Le Monde et qui a été expulsée de Tunisie en octobre 2009.
Et hier, j'entendais un reportage de la correspondante de RFI à Sanaa, au Yémen, Charlotte Velut.
Et Clarence Rodriguez est à Bahrein pour France-Culture, de même que Véronique Soulé envoyée spéciale en Tunisie pour Libération.
Le site @rrêt sur images rappelle par ailleurs que, le 15 février, au Caire, des manifestants ont attaqué une équipe de CBS "avant d'isoler et d'agresser sexuellement la journaliste Sarah Logan".

MàJ 2 mars
Le 20h de France 2 annonçait l'autre soir qu'une équipe de la chaîne venait d'arriver en Libye, "la première équipe de télé française". Par qui était-elle menée ? Par Martine Laroche-Joubert...
Ce matin sur France-Info : "De notre envoyée spéciale à Tobrouk, Vanessa Descouraux" et sur France-Musique des interventions de Marie Heuclin à Alger et Angélique Ferrat à Bagdad...
Et j'apprends que l'envoyée spéciale du Point au Caire en novembre dernier s'appelait Mireille Duteil, alors que la correspondante du magazine (ainsi que de La Croix) dans la même ville est Denise Ammoun, pendant que, dans Benghazi "libérée", Arte-Info a envoyé Sophie Nivelle-Cardinale...
Prix Albert Londres 2006 pour des reportages en Iran et en Irak, Delphine Minoui, du Figaro, a réussi à obtenir une interview du fils Qaddhafi...
MàJ 20 mars
Et en voilà d'autres...
Le 19 mars, on apprend la présence de Marie-Lys Lubrano, reporter à Benghazi pour iTélé, de Julia Delage à Tobrouk pour BfmTV, de Pauline Simonet encore à Benghazi pour France 24, et de Samah Soula à Tobrouk pour France 2.
De plus, je lis dans le courrier des lecteurs du Télérama n°3192 du 19 mars, en page 8, une lettre d'une lectrice, intitulée "Parité" où elle fait la même remarque que moi sur l'omniprésence des "correspondants de guerre" féminins.


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